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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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permis.
    Ogier s’enivrait de cette présence :
    « Blandine ! Blandine ! Comme ce nom lui va bien !… Elle n’a nul besoin de fards ni d’onguents. »
    Le visage était beau, d’une pâleur céleste. Alors que la plupart des rousses portaient sur les joues et le nez ces blonds semis qui parfois ajoutaient à leur charme, Blandine semblait pétrie de lumière et de neige. « Sage et bonne », songea-t-il tandis que son regard effleurait les sourcils épilés, courbes légères sous lesquelles palpitaient deux prunelles cernées d’ambre roux, caressées par de longs cils. « Divine… Elle est divine ! » Et ce mot à dessein choisi parmi tant d’autres, comme un joyau dans un écrin plein à ras bord, lui parut aussitôt pâle et fade.
    — Mon père était loin devant moi, sans quoi jamais ce saligot n’aurait osé !
    Elle avait un nez assez petit, retroussé, une bouche où la nacre et la merise composaient un fruit alléchant, des pommettes étroites et hautes. Son menton ovale révélait une volonté paisible, gracieuse, ainsi que son front dégagé d’où les deux écheveaux bien tirés, tressés au-dessus des oreilles, devaient, une fois déployés sur sa nudité de déesse…
    — Votre père participera-t-il à ces joutes ?
    — Oui, messire… ainsi qu’au tournoi.
    — Qui est-il ?
    — Herbert III Berland, seigneur des Halles de Poitiers… Nous venons d’acquérir le fief de Tessec, proche de Chauvigny… Nous l’accompagnions, ma mère et moi, à la montre des heaumes, quand les chevaux du comte d’Alençon m’en ont séparée…
    S’incliner de nouveau ; enrager d’être soudainement muet, le corps, les sens dolents, et de se dépriser soi-même. Mais comment dominer cet émoi ?
    C’était la première fois qu’Ogier se trouvait en présence d’une pucelle incarnant si bellement ses aspirations – une figure aussi parfaite, rayonnante. Presque désespéré de devoir se répondre négativement, il se demanda si cette beauté dont les yeux clignaient en le dévisageant pouvait éprouver quelque attirance pour un être de son espèce. Comme il devait lui paraître rustique avec ses heuses déformées, poudreuses, ses chausses distendues, qu’Hérodiade avait lavées la veille au soir, humides encore de la rosée matinale, son pourpoint de velours élimé ! Insoucieuse de cette gêne, Blandine poursuivait :
    — Mon père vient chaque année… L’an dernier, il a chu si mauvaisement à la joute qu’il s’est rompu une jambe… Il dit que sa claudication ne l’empêche pas de monter à cheval et qu’il faut qu’il soit présent dans la lice.
    Ogier, frémissant, écoutait cette voix fraîche, un peu pointue, comme il eût écouté de la musique. Des envies de prouesses assaillaient son esprit. Dans sa vie si grise depuis six ans, plus indécise encore à Chauvigny qu’ailleurs, Blandine scintillait, tout à coup. À lui de briller devant elle. Même s’ils seyaient à son visage, il eût aimé la délivrer de cette huve et de ces voiles afin de perdre son regard dans ses torsades si soyeuses qu’auprès d’elles, désormais, les autres chevelures lui paraîtraient bien rêches. Et tandis qu’il s’imaginait posant sur ce front virginal un diadème de baisers légers, Champartel le secoua sans égards ni mesure :
    — Messire, la rue se vide… Ce serait mal d’arriver les derniers.
    Il avait raison. Ogier proposa :
    — Damoiselle, peut-être pourrions-nous cheminer ensemble.
    La violence des sentiments que cette jouvencelle excitait en lui le troublait au point qu’il fût tenté de lui offrir son bras, lorsque, au cri de «  Blandine  », surgi d’un peu plus loin, elle parut effrayée :
    — Oh ! voici ma mère, messire… Il me faut vous quitter.
    Une torsion de la taille ; elle s’enfuit sans un mot de plus, jouant des hanches pour éviter deux enfants et, plus haut, un groupe de seigneurs sortant d’une taverne, et dont certains sifflèrent sur son passage. Déjà, elle marchait auprès d’une femme maigre, à l’allure capricante, et lui contait, avec de grands gestes nerveux, sa mésaventure.
    — Comment la trouves-tu, Thierry ?… Cette joliesse, cette coiffure…
    Cette blondeur rousse fascinait Ogier comme un gros écu d’or, sans doute, un miséreux.
    — Messire ! Vous n’êtes pas ici pour fleureter !… Venez… Nous ne sommes plus les derniers si j’en juge par cette fournée de chevaliers que je vois venir

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