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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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de son deuil ? Il avait senti couler entre Blandine et lui une source d’affinités qui ne pouvaient qu’embellir son existence.
    « Et si c’était Adelis qui me l’avait envoyée ? »
    Il n’osa exprimer tout haut cette conjecture par crainte de provoquer des rires. Il demeurait sous le coup d’un ébahissement à vrai dire miraculeux et se sentait, malgré sa nonchalante apparence, d’une aptitude aussi rigoureuse à la vengeance qu’elle était douce pour l’amour.
    — Ne dilapidez pas vos sentiments, messire, conseilla fermement Champartel en le regardant au plus profond des yeux. La donzelle ne me semble pas insensible, mais, dans le cas d’une… conquête, est-ce bien celle qu’il vous faut ? Pensez-y moins. Pensez surtout que vous vous êtes grièvement conduit à cette montre. Vos ennemis se sont méchamment multipliés. Pensez à leur courroux plutôt qu’à vos vuiseuses [402]  !
    Il en avait assez dit. Il allongea le pas sans se soucier d’être suivi.

X
    — Ne me rebats pas les oreilles avec ça, Thierry !… Il me faut accomplir tout ce à quoi je tiens, et ce matin j’ai fait ce que je devais faire. Nul ne sait qui je suis, pourquoi je suis venu… La curiosité de tous s’est arrêtée sur un jeune chevalier orgueilleux, nullement dangereux, sans doute, en champ clos. Et crois-moi : passer pour un niais aux yeux des malfaisants est une volupté dont tu ne peux imaginer la saveur !
    Champartel demeurait soucieux, essayant d’imaginer sans doute la rude journée du lendemain.
    — Il se peut que vous disiez vrai, concéda-t-il enfin, bien que Blainville ait sourcillé un peu trop quand vous avez nommé votre père… Avez-vous pensé que si Guesclin ou un autre vous malmène, il vous sera impossible de vous rendre en ce logis dans lequel le moine Isambert doit nous introduire, si toutefois nous le revoyons !
    Ils avaient marché le long des murailles ; ils s’étaient assis longtemps pour jouir de la tiédeur du soleil tout en regardant le logement des jouteurs, presque désert, d’où montaient les fumées des forges et des rôtisseries. Ils s’étaient enquis des maisons appartenant aux dignitaires du chapitre de la collégiale Saint-Pierre : non seulement elles jouxtaient le château d’Harcourt, mais celle du chévecier s’enfonçait entre ses contreforts.
    Ensuite, ils avaient vidé un gobelet de cervoise dans une taverne. Ils revenaient à Saint-Léger.
    — Dieu ne permettra pas que l’on me rompe un membre !… Mais vois, Thierry, comme tout change en peu de temps.
    Une foule différente de celle du matin encombrait le parvis de l’église. Quelques rares chevaliers et leurs écuyers erraient parmi les manants, clercs, échevins et marchands d’autant plus débordants de jactance que les femmes les subjuguaient tant par leur nombre que par l’exhibition de leurs atours. Entendant leurs rires pointus ou roucouleurs, Ogier pensa que la curiosité qui les avait rassemblées là et, surtout, leur hâte d’assister aux passes d’armes procédaient d’une dureté, voire d’une aversion secrète, acquise bien souvent sous le joug d’un époux rigoureux, et fortifiée d’outrage en outrage. À défaut d’assister aux guerres, ces avenantes baronnes, ces huronnes et manantes friandes d’apparat et de grands frissons, prisaient ces simulations où non seulement elles étaient admises et honorées, mais auxquelles, surtout, elles participaient de la voix et du geste. Que ce fût l’échec d’un chevalier, son dépit, sa souffrance ou la victoire de son opposant – surtout s’il n’était qu’écuyer –, tous les incidents du champ clos rassasiaient leur malefain d’aventures, enflammaient leur ferveur éteinte ou attiédie, magnifiaient leur personnage et consumaient, jusqu’à la pâmoison, l’ardeur des plus acharnées.
    Certaines entraient dans le saint lieu, d’autres en sortaient ; elles échangeaient des saluts, des sourires, s’exclamaient avant que de s’embrasser. Il y avait pourtant de l’âpreté dans l’air : la plupart des châtelaines dédaignaient les jolies bourgeoises ; celles-ci, en retour, se moquaient de leurs affiquets, tandis que les filles follieuses, nullement marries que l’église leur fût interdite, s’élançaient à la conquête des hommes seuls.
    — Allons-y, dit Ogier. Il nous faut essayer de revoir Isambert.
    Il songeait particulièrement à Blandine. Et à son père. Quel homme était-il ? Quelles

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