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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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de mon baptême, vous croyez-vous toujours à ces joutes de Rennes, voilà neuf ans, d’où sortit votre renommée ? Mais puisque vous êtes là, devant si noble assistance, ne croyez-vous pas que c’est faussement que la rumeur fit de vous un vainqueur ?… La rumeur s’est méprise, si j’en crois certains témoignages… Votre gloire vient de ce que vous n’avez pas osé affronter votre père, un brillant jouteur…
    — Je te…
    — Vous avez certes rompu des lances, mais vous vous fîtes désheaumer par un chevalier de Normandie, et ainsi reconnaître à l’assemblée… car il faut dire que lorsqu’on a vu votre tête une fois, on ne peut l’oublier.
    Le silence était complet ; Guesclin parut y barboter, leva les poings et devint si menaçant que le Roi d’armes intervint :
    — Par Dieu, messire, bas les mains !… Nous ne sommes pas des gens de la piétaille !
    Ogier, à nouveau, se sentit envahi par la haine qu’il avait semée. Cette épée que le Breton poignait, peut-être le menacerait-elle un jour. Arme rustique, telle que son possesseur, et dont un quillon avait été faussé, lourde aussi comme la présomption de ce huron.
    — Dis-moi où tu as accroché ton signal [398] que je prenne plaisance à le buquer de mon poing, puisqu’il m’est interdit de t’en bourrer la goule !
    — Messire ! protesta le Roi d’armes.
    — Suis-moi, dit Ogier.
    Le tutoiement s’imposait. Autour d’eux, après l’immobilité, le silence et l’attente, c’était l’animation.
    — Avec ça, dit un homme dont la voix semblait celle de Baudouin de Bellebrune, les béhourds ne manqueront pas d’intérêt.
    Et déjà, Ogier s’arrêtait devant son heaume et son écu, et disait :
    — Voilà mon bassinet et voilà mon signal : frappe-le, Bertrand, c’est ton droit.
    Dans sa face blême, les yeux du Breton devinrent ceux d’un oiseau de carnage : fixes, acérés, flamboyants. Son poing fondit sur le bouclier noir avec la violence de l’aigle sur la proie. Tous les écus en montre dans cette partie du cloître se décrochèrent dans un vacarme dont Olivier de Fontenay fut d’autant plus consterné que l’un d’eux, en tombant, aplatit le panache de Thierry lequel, prudent, ne souffla mot.
    — Messire, hurla tout à coup le Roi d’armes, qui que vous soyez…
    — Je suis Bertrand Guesclin.
    Et léchant ses doigts douloureux, le Breton dévisageait Olivier de Fontenay comme s’il eût été un vilain placé dans le sanctuaire pour balayer, le soir venu.
    — Qui que vous soyez, je vous invite à montrer plus de respect à l’égard des six hommes dont vous venez de mettre à mal les écus !
    — S’ils sont courroucés, qu’ils le disent : je les prends tous un par un ou ensemble !
    Guesclin pouffa, heureux, affreux, en regardant son entourage. Ogier se dit : « Voilà certainement le pire des routiers… Nul ne bronche… Les couards ! » Et l’autre, cessant ses rires :
    — Comment te nommes-tu déjà ?
    — Ogier de Fenouillet, dit le juge Augustin.
    Le Breton s’ébaudit en se grattant vigoureusement l’aine :
    — Voilà un nom de manant !
    Ogier, sur un regard de Thierry, fut enclin à s’assagir. Puis il pensa : « Adelis. » Il n’y avait qu’une façon, vraiment, de museler ce punais hargneux :
    — Ogier de Fenouillet, compère. Et crois-moi : je te ferai, si Dieu veut, ce que te fit naguère le vrai champion du tournoi de Rennes. Je te désheaumerai comme Godefroy d’Argouges, ta mâchoire et ton nez dussent-ils s’aplatir sous ton carnet [399]  !
    Ce fut pire qu’un maître coup de taille : Guesclin porta sa main à sa tête, chancela, gargouilla.
    — Ben toi, dit-il. D’où tiens-tu que ce maudit Normand s’appelait ainsi ?
    Se détournant pour échapper au souffle de ce hutin répugnant de présomption, Ogier vit Blainville comme refroidi par un gel soudain.
    — Je sais.
    Il croisa le regard attentif du juge Amaury et ce fut à son intention qu’il ajouta :
    — J’ai ouï parler de ce Normand un jour. Son nom m’est revenu en mémoire…
    L’habileté, maintenant, s’imposait. Ogier, sans mésaise, interpella Blainville :
    — Messire Richard, puisqu’il est Normand, connaît sans doute ce chevalier…
    — Je l’ai connu, Lancelot. C’était un félon… Ce jour d’hui, je pense qu’il doit être mort.
    Ogier s’angoissa : « A-t-il commandé qu’on assaille Gratot en son absence ? » Devant lui,

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