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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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étaient ses armes ? Quel emblème surmontait son heaume ?
    À l’intérieur, c’étaient toujours le bourdonnement et la moiteur. Mêlée aux arômes dont les visiteuses semblaient avoir mésusé, l’odeur des corps collait aux narines. Ogier rit en voyant Champartel grimacer :
    — Allons, il te faut connaître toutes ces choses… et moi aussi !
    Il retrouvait avec plaisir, au-dessus des têtes mouvantes, l’éclatant bariolage des boucliers, progressivement assombri à mesure qu’il s’enfonçait sous les voûtes. Rien n’avait apparemment changé. Les allées et venues des seigneurs, du Roi d’armes, des hérauts et des juges restaient les mêmes ; toutefois, leur plaisir d’errer parmi la multitude apparaissait plus évident, puisque à la Chevalerie des hommes s’était substituée celle des dames.
    Entraîné dans un remous sans pouvoir s’en dégager, Ogier heurta rudement un jeune gars – un écuyer – et s’étonna : « Il n’a rien senti ! » Le damoiseau s’éloigna, souriant, enivré par le vacarme et la prescience d’un destin fabuleux dont le premier haut fait, sur le champ clos chauvinois, lui entrebâillerait les portes de la Chevalerie.
    « Tous vivent dans un songe… un songe étincelant… Et moi ? »
    Dans ce pullulement de prud’hommes ambitieux, cinq ou six obtiendraient la considération, deux ou trois atteindraient à la gloire tandis qu’un seul connaîtrait les délices du triomphateur. Quant à lui, Ogier, s’il culbutait Charles d’Espagne, outreperçait Lerga et Passac, préjudiciait la hautaineté maléficieuse d’un Guesclin et la détestable toute-puissance d’un Blainville, il serait récompensé de ses efforts.
    Il vit une visiteuse quitter précipitamment ses compagnes et s’approcher d’un chevalier dont le heaume et l’écu touchaient ceux de Thierry. Aussitôt, furieux, l’homme éloigna la femme :
    — Non, Berthe ! Les cornes que j’ai décidé d’arborer désormais révèlent à mes amis mon infortune… Vous êtes à blâmer et vous savez pourquoi… Et je porterais honneur à la dernière des huronnes plus volontiers qu’à vous !… Oh ! vous pouvez pleurer, gémir… Nul homme de bon sens ne voudra vous servir ! Tous vous récuseront, et ce sera justice… Si quelque marmouset veut vous prendre en pitié, malheur à lui, car il me trouvera en face !
    Ogier s’éloigna de ce mari furibond.
    — Allons, viens, Thierry.
    Et quelques pas après :
    — Qu’elle soit ou non coupable d’adultère, dès le moment que cette femme a reçu publiquement un blâme, elle n’est plus défendable. Tu t’abaisserais à devenir son restorier [403] … Pense à ma sœur et regarde ceux qui peut-être nous approcheront et nous diront quel droit ils ont en notre challenge [404] .
    D’autres jouteurs, sollicités, pliaient le genou tout en se proclamant esclaves et servants d’amour d’une belle visiteuse, et certaines n’attendaient pas qu’ils fussent en champ clos pour leur offrir leur noblesse [405]  : l’une tendait un long voile apporté sous son casaquin, et dans lequel, sans doute, elle s’était vautrée toute nue ; l’autre arrachait la garniture de sa coiffe et l’offrait d’une main tremblante ; quittant son bracelet, sa voisine le dédiait à un seigneur hilare ; une autre ôtait sa ceinture à boucle d’argent ; une autre sa collerette brodée. Les chevaliers ayant accepté ces faveurs les fixaient à leur cimier ou les protégeaient dans leur pourpoint afin qu’elles apparussent au bout de leur lance ou accrochées à leur bras juste avant le premier galop.
    — Demain soir, Thierry, l’herbe du champ clos sera jonchée de ces offrandes foulées par les fers des chevaux. Tu verras : tant que dureront les joutes, ces femmes enverront d’autres présents à leurs champions par l’entremise des sergents et varlets, pour les consoler de leur malechance ou renforcer leur vigueur… Certaines hurleront à se casser la voix.
    — Les folles !
    — Il y a trois ans, j’étais allé à Montignac. À la fin de la journée, il ne resta plus en lice que mon oncle et Henri de Salignac… l’un et l’autre soutenus par deux veuves en quête d’époux… Eh bien, avant chacune de leur course, l’écuyer de Salignac et moi-même portions un nouveau présent aux deux jouteurs : une manche arrachée, un pan de camisole… de sorte que les deux hommes étant de force égale, les deux capiteuses [406] furent

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