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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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tremblotaient. Les passants longeaient les murs ; certains musaient devant les étals des échoppes. Des pêcheurs haranguaient les commères. Selon les endroits stagnaient des odeurs de rôti, de marée ou d’urine.
    — Coutances enfin !
    Sous l’auvent relevé de son mézail, Ogier contemplait les rues, les venelles, les enseignes ; l’église Saint-Pierre, à sa droite, et ses vitraux livrés aux flambes du couchant. Les mouettes, invisibles, criaient au-dessus de lui, mais au lieu du plaisir imaginé de loin en loin durant sa longue absence et surtout lors de ce fastidieux voyage, il succombait à l’amertume ; jamais il n’aurait dû abandonner ces lieux !
    — Je me sens pareil à un horzain [86] comme on dit chez nous !
    — Pas tant que nous ! dit Champartel. La fatigue, messire, vous fait voir les choses autrement que ce qu’elles sont.
    — Crois-tu ? Rien n’a changé sauf moi : Ogier d’Argouges !
    D’où lui venait cette sensation d’étouffer ?
    « Frère Peynel a tout d’abord douté. Père doutera-t-il, lui aussi ?… Non ! Il saura d’entrée que je suis bien son gars !… Que fait-il en ce moment ?… Et Mère ? Et ma sœur ?… Quelle joie, bientôt !… Est-ce pour cela que je tressaille comme par grand froid ? »
    L’incertitude fortifiait son impatience, et chaque pas de Marchegai le tourmentait.
    La cathédrale s’était épaissie sans trop grandir [87] . Englouti dans son ombre, il soupira, émerveillé par le peuple de pierre figurant au front du monument – un peuple figé dans des gestes d’amour, de pitié, de fureur, et que çà et là un pigeon, un moineau animait.
    « Je devrais m’arrêter, entrer, prier… Je me soulagerais de ce mal qui me pèse. »
    Non ! S’il avait été seul, il eût demandé à son cheval de fournir un dernier effort.
    Sur le parvis, c’était le remuement consécutif aux vêpres : échevins en robe rouge, commerçants ambulants, dames et damoiselles aux beaux atours ; porteurs d’eau ou de lait ployant sous la palanche, manants, mendiants, hommes du guet et enfants profitaient des derniers flamboiements. Velours, quelques brocarts, beaucoup de tiretaine : les habits de toujours, les rires et les voix de toujours ; mais une curiosité nouvelle.
    — Croyez-moi, messire, dit Champartel en s’approchant, on vous regarde bien. Vos lions et votre armure de fer ne passent pas inaperçus !
    — Tant mieux… Au bout de cette voie descendante commence le chemin qui mène à Gratot… Cette église-là, c’est Saint-Nicolas… Quand j’étais enfant…
    Ogier ne put achever car Raymond s’écriait :
    — Voyez qui vient vers nous !
    La rue s’élargissait, laissant passer par l’embrasure des encorbellements une lueur à reflet d’acier. Chevauchant dans cette clarté, un noble homme approchait, suivi de deux écuyers vêtus de livrées de gueules et de sinople, et dont un portait fixé à l’étrier un gonfanon long d’une aune.
    — Qui est-ce, messire ?
    — Je ne sais, Thierry. Évitons-les… Nous ne pouvons céans commettre une imprudence.
    Imité par ses compagnons, Ogier frôla le mur d’une taverne pour permettre à ces cavaliers de les croiser sans gêne aucune. Il entrevit alors cet inconnu dont le blanc coursier harnaché de pourpre et d’azur paraissait nerveux : sous la coiffette de mailles, une tête rougeaude et maigre aux yeux noirs, à la bouche lourde, au menton garni de poils bruns. Il était vêtu de velours gris, et tout, dans son maintien et son visage, exprimait la hautaineté, peut-être la cruauté. Il feignit de ne pas remarquer cet homme en armure et sa suite qui pourtant lui cédaient obligeamment la voie, bien que son genet eût fait une incartade comme pour affronter Marchegai. Il se tourna vers le gonfanonier ; dans ce mouvement, le taureau figurant sur sa targe apparut tout entier.
    —  ¿Has visto los leones que este caballero lleva en su escudo ?
    — Si, señor. No tienen cola como los del blason de los Argouges.
    — Quién puede ser ?
    — No lo sé, mas he ahi une apariciòn que irritarà nuestro huesped, pues estoy seguro de ello, í este hombre y su escolta acuden a Gratot [88]  !
    Trois rires éclatèrent.
    « Des Espagnols ici  !… Que viennent-ils y faire ? »
    Ogier se sentit examiné, évalué, rejeté : la sensation lui fût désagréable.
    — Je ne connais pas ces armes, dit-il lorsque ces hommes hautains se furent éloignés. De

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