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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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tous au diable ! s’écria soudain Matthieu Eyze dont le front plissé se détendit. Moi, une fille qui s’habille en homme, et surtout en homme d’armes, je dis que c’est une cagne !… J’aurais dû m’en méfier !
    — Cagne ? Non, dit Ogier, sans crainte de déplaire au fèvre. Mais folle assurément.
    Dangereuse folie : Tancrède était prête à tout pour devenir la créature qu’elle rêvait d’être : une guerrière. Les errements de sa vie ne donnaient-ils pas à penser, parfois, que son existence elle-même était une méprise du Créateur ?
    — Croyez-vous la revoir un jour, messire ? s’inquiéta Champartel.
    Ogier n’osa répondre qu’il en formulait justement le vœu.
    — Je crois que nous la reverrons, dit-il. Oui, par Dieu, je le crois ! Et ce jour-là…
    Il s’interrompit. Ce jour-là, ils seraient devenus ennemis. Rien ne les réconcilierait. Pas même le souvenir d’une décevante étreinte.

DEUXIÈME PARTIE LES ARDEURS ET LES HAINES

I
    Le mardi 13 septembre, Ogier et ses compagnons parvinrent en vue de Coutances. Après Poitiers, Saumur, Angers, Laval, Fougères et Avranches, c’était l’ultime grande cité qu’ils trouvaient devant eux.
    La cathédrale était toujours inachevée. Les flèches des églises voisines dominaient encore les deux tours de la façade. Les feux du crépuscule embrasaient les murailles entre les merlons desquelles, parfois, étincelait le timbre d’un chapel de fer.
    — Je me sens moins lasse, dit Adelis. C’est sans doute de voir, messire Ogier, cette cité dont vous nous avez moult parlé.
    Champartel s’exclama :
    — Mordieu, c’est plus beau que je l’imaginais !
    Derrière les parois abruptes de l’enceinte, les maisons s’entassaient pêle-mêle ; des fumées grisaillaient parmi leurs toits d’ardoise ; tout autour de la motte rocheuse tachetée çà et là du vert d’une placette, ondulaient des vallons, des bosquets, des prairies ourlées de levées de terre, pommelées d’arbres chargés de fruits. Ogier immobilisa Marchegai pour contempler ce pays chatoyant, juteux de fraîcheur et de sève :
    — Enfin, nous voilà presque rendus !… Pendant ces deux dernières semaines, nous n’avons ménagé ni nos chevaux ni nos forces… Par bonheur, depuis Oradour, aucune malencontre n’est venue contrarier notre avance.
    — Dieu a veillé sur nous, affirma Bressolles dont le genet, à grands coups de tête, parut approuver le propos.
    — Que la divine providence, Girbert, continue de nous avoir en sa sainte garde !
    Ogier décrocha son bouclier du troussequin de sa selle et s’en arma comme pour une joute. Malgré les coups portés par Briatexte puis par Renaud d’Augignac, ses lions, dessus, demeuraient d’autant plus visibles que, d’un trait d’encre, à l’abbaye de Hambye, il en avait accusé les contours : à dix pas l’on voyait qu’ils étaient diffamés.
    — Nous pourrions, compagnons, couper à travers champs, mais je tiens à passer en ville : il convient que les manants et les bourgeois coutançais soient instruits de mon retour !
    Tandis que Thierry et Adelis se portaient à sa hauteur, il leur confia :
    — J’ai peur depuis Hambye… peur de toutes ces retrouvailles…
    Depuis son départ du moutier, quelque deux lieues avant Coutances, une crainte sourde plombait son cœur et lui serrait le gosier. Frère Peynel, le tourier, s’était étonné de se trouver en présence de cet Ogier qu’il avait connu enfant, puis jouvenceau, et dont on avait dit qu’il était mort d’une mauvaise fièvre, du côté d’Abbeville, lors de la retraite des survivants de l’Écluse.
    « Il ne me croyait pas ! Il ne me reconnaissait pas ! Ai-je tellement changé ? »
    Il avait cru briser la suspicion du bénédictin en lui démontrant comment son faux trépas et son séjour chez son oncle Guillaume, en le plaçant, pendant cinq ans, hors des atteintes de Blainville, lui avaient permis d’apprendre quiètement le métier des armes. La moue dubitative du vieillard l’avait déconcerté. À sa question : « Savez-vous comment vivent les miens ? ». Le moine avait eu un geste d’ignorance. Je n’ai jamais revu Godefroy depuis ce jour où vous êtes passés ici en vous rendant, je crois, à Honfleur ou au clos des Galées [83] pour vous y embarquer. Et mes parents que je vois souvent [84] , ne m’ont rien dit à ce propos… Je pense que ton père se languit à Gratot. Je compatis

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