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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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très fort aux peines qu’il endure, car, le connaissant bien, je me suis toujours refusé à voir en lui un félon… Je prie pour sa sauvegarde : c’est tout ce que je peux faire. » Et les yeux soudain écarquillés : « Il est vrai que tu lui ressembles quand il était jeunet. Va le retrouver, embrasse-le pour moi, mais prépare-toi, en chemin, à ce que ta joie soit noircie d’amertume. »
    Cet avertissement tourmentait Ogier. « Il en sait plus qu’il ne m’en a dit ! » Il aurait voulu pouvoir s’attarder quelques moments encore dans ce monastère où rien ne paraissait changer, pas même frère Peynel. Épuisé, défaillant d’émoi, il avait souhaité, en franchissant le seuil, que ses compagnons pussent rompre le pain et se désaltérer. « Hâte-toi », avait insisté le tourier. Et derechef, le garçon crut l’entendre : « Je ne sais si j’ai bien fait de te prêter cette encre et ce pinceau pour aggraver la… vilenie de tes lions. Dieu me pardonnera d’avoir accédé à cette requête à laquelle j’aurais opposé un refus si j’avais douté que tu sois le fils de Godefroy… Mais je ne doute plus. Quoi qu’il advienne, médite bien sur la façon dont il va falloir te conduire. Quelque innocent que tu sois de l’infamie où s’enlise ton père, ne montre point d’arrogance : exclu de la Chevalerie, Godefroy n’est plus qu’un seigneur méprisé… Le blason des Argouges est licitement profané… Que tu sois chevalier n’empêche pas que tu portes aussi, par filiation et pour la vie, le fardeau de cet opprobre : Dura lex sed lex [85] . Penses-y aux pires moments du ressentiment et du courroux… Sache aussi, cependant, que l’astuce, en certaines occasions, peut se révéler plus profitable qu’un assaut franc mais stérile… et quelquefois mortel. Et surtout n’oublie pas que l’humilité prudente d’un moment peut être moins préjudiciable aux desseins que l’on nourrit, même depuis cinq ans, qu’une outrecuidance absurde !… Allons, va ! Sois assuré de mes bonnes prières… et fais en sorte que la vérité jaillisse ! » Un accueil sans chaleur et un congé glacé. Ils avaient repris leur chevauchée. À l’abri d’une grange, près de Lengronne, ils s’étaient préparés pour entrer dignement dans Coutances.
    « Je suis Ogier d’Argouges et je veux qu’on le sache ! »
    Il portait son armure et ses éperons d’or ; Thierry et Raymond s’étaient vêtus d’un haubergeon de mailles au dos duquel tressautaient leur arbalète et leur carquois. Bressolles et Adelis arboraient des vêtements neufs achetés par le maçon à Fougères.
    — Nous sommes beaux, compagnons ! Si quelqu’un rit de mes lions, Confiance l’assagira pour quelque temps… et s’il est trop impertinent, pour toujours !
    Ogier se tourna vers Adelis, immobile sur Facebelle, Titus au poing :
    — Encore une lieue et nous serons rendus… Nous mangerons enfin à notre aisément et nous aurons un lit de plumes… Allons, Saladin, cesse de te rouler dans cette herbe… En avant !
    Il rendit la bride à Marchegai.
    Une voie pavée, peu fréquentée, conduisait en ville. À la fois rayonnant et maussade, le soir transformait un ruisseau – le Bulsard – en une longue anguille vermeille écaillée par le vent. Il faisait bon. Sans doute, en Cotentin, l’été s’était-il montré plus agréable qu’en Périgord.
    Après les faubourgs, ils franchirent un par un une porte. Des archers les observèrent. Un barbu s’écria dans cet accent alternativement mou et pointu qu’Ogier réentendait avec plaisir :
    — Eh ! les amis… Avez-vous bien vu cet écu ?
    Son bouclier pesa plus lourd que de coutume. Sa blessure, qui tardait à se cicatriser, le démangea.
    — Le poids d’une honte indue ! maugréa-t-il. Quel dommage que le temps m’ait manqué pour repeindre soigneusement mes lions !… La bonne gent et les hommes d’armes les verraient mieux encore…
    Il regarda derrière lui.
    Les trois hommes du guet discutaient âprement l’origine de ses armes. Il sourit, mais sans joie :
    — Je viens, compagnons, tout comme Marchegai son crottin, de lâcher la première controverse au passage… Vous ne l’ignorez pas : vous allez subir tout comme moi l’aversion et la moquerie.
    — Peu importe ! déclara Champartel. Nous sommes suffisamment fiers de vous servir pour ne nous émouvoir de rien.
    Derrière les parchemins tendus aux fenêtres, des lumières

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