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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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s’immobilisèrent une fois dans la cour. Ogier se retourna :
    — Où est passé mon père ?
    — Là-haut, dit Bressolles en désignant l’escalier d’accès à la machinerie. Il se hâte comme un jeune…
    Les chaînes du pont frémirent, se tendirent, et dans un cliquetis et des grincements, le tablier remonta. Bientôt, Godefroy d’Argouges réapparut. Ogier s’étonna :
    — N’avez-vous plus Joubert pour portier ?
    — Je vois que les noms te reviennent en mémoire. Non, je n’ai plus Joubert. Il est mort d’une sagette dans le flanc… On nous a assaillis moult fois.
    — Nous sortons d’un siège. Pendant quinze jours, les Goddons ont cerné Rechignac. Je vous raconterai… Mais ces assauts ?… Est-ce Blainville ?
    La torche oscilla. Le visage flétri se contracta :
    — Qui veux-tu que ce soit d’autre ?… Ah ! certes, je ne l’ai jamais vu. C’est la nuit qu’ils approchent… De ce côté-ci, j’ai fait tout murer. Sur les autres, j’ai quelques guetteurs… Les truands que ce démon a dû amener de Paris sont une douzaine. Ils ne m’effraient nullement mais ils ont vidé Gratot par la peur, la menace et la mort.
    Conduisant Marchegai au seuil de l’écurie, Ogier demeura silencieux ; il comprenait : «  Quitte donc ce seigneur dévoyé ! » Quand la sommation demeurait sans effet, on châtiait le serviteur entêté : il fallait que Gratot fut privé de sa mesnie [100] – le seigneur, son épouse et leur fille y compris. La vacuité désolante des lieux signifiait que Blainville avait en partie accompli ses vouloirs.
    « Personne n’est venu à notre rencontre ! Personne n’a cherché à savoir qui nous sommes !… Et Mère ? Et ma sœur ? Pourquoi ne les appelle - t - il pas ? Pourquoi ne va - t - il pas les chercher ? »
    — Ce malandrin, Ogier, veut notre ruine. Il est ces jours-ci dans son fief et je suis sûr, voyant l’écu que porte ton cheval, que l’un de ses espies ne tardera guère à le mettre au fait de ton retour.
    — Tant mieux ! Puisqu’il me croyait mort depuis cinq ans, sa branle [101] m’emplit de satisfaction.
    — Il va devenir plus infernal encore.
    — Si sa truanderie nous assaille, elle s’en repentira. Jamais Gratot, même un seul jour, n’appartiendra à Blainville !
    Ogier se détourna pour voir enfin, par-dessus le garrot de Marchegai, entre les tours si souvent érigées dans ses songeries, la façade du bâtiment central, où il était né. C’était une construction d’une sobriété presque revêche avec au premier étage, sous leur fronton à corniche triangulaire, les quatre lucarnes aux arcs surbaissés des chambres seigneuriales. Au-dessous de cet attique, les fenêtres de la grand-salle reflétaient un peu de la clarté lunaire, si pauvre, tout à coup, qu’elle rendait les marches du perron indécises. En retrait, la porte du logis était entrebâillée : un liséré jaune séparait le battant du cantalabre de pierre. Et parce qu’elle était en quelque sorte sienne, Ogier arrêta son regard sur la tour de la Fée, une construction à fût octogonal, supportant une chambre cubique chapeautée d’un toit à bâtière soutenu par un double fronton. Il aperçut le chanceau [102] ouvragé bornant cette couverture et se souvint de tous les matins clairs où il s’était penché là pour contempler le grand fief verdoyant des Argouges et assister aux joyeux va-et-vient de la cour.
    — Avez-vous, messire Godefroy, demanda Bressolles, quelques places en votre écurie ?
    — Toutes celles que vous voudrez… Eh oui, mon fils, ne prends pas cet air ébaubi ! Il a fait rober nos chevaux un jour où nous les avions mis à paître dans le champ de l’église… Mais comment affirmer que c’était lui et ses écorcheurs ? En aurais-je la preuve absolue que ma plainte resterait vaine : un homme comme moi ne peut en rien réclamer justice !
    — Et la ferme, Père ?
    — Elle a brûlé le lendemain de mon retour de la Broye, à croire que j’avais été suivi de près… Ils étaient une dizaine. Les Anquetil et leur fils ont péri… Sous l’auvent de ce puits qu’ils nous ont empêché d’approcher, il y avait une sagette. Sur le parchemin qu’elle clouait au pouliot [103] , on pouvait lire qu’ainsi périraient les serviteurs du félon… Cette admonestation, Blainville a dû la dicter à l’un des deux presbytériens qui célébrèrent mon trépas juste avant que mes amis et Guillaume

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