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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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comprit et joignit ses mains.
    « Pardonnez-lui, Seigneur, d’avoir devancé Votre Volonté… Elle n’avait pourtant rien d’une fée, elle [107]  ! Elle était bonne et douce… Elle n’avait pas voulu que je parte à la guerre… »
    Il avait bien ri de son angoisse. Et son père également. Maintenant, ils étaient seuls, écoutant malgré eux les bruits de l’écurie. Thierry chantait ; Raymond s’ébaudissait. Le visage ridé se défripa :
    — Je l’ai vue tomber de la fenêtre. J’étais là, sur le seuil de l’étable… Viens !
    Une poignée de glaïeuls rehaussait la sépulture.
    — Il y a un an de cela… Ta sœur fleurit ta mère avec ce qu’on lui donne… Rassure-toi : Aude va bien… Tu vas la voir. Ne sois pas ébahi que Luciane soit enterrée là plutôt que dans l’église. L’autre, ce démon, peut tout profaner. Il nous subroge sa truandaille… Ici, parmi nous, cette sainte martyre est en sécurité.
    Le silence un moment revenu parut comme imprégné de la malignité de tous les malandrins à la solde de Blainville. Ogier les imagina, réunis dans le manoir qu’il connaissait bien, pourpensant leurs prochains homicides et mêlant leurs gros rires de fesse-pinte et leurs obscénités. Il se sentait fourbu, dépouillé du moindre courage et voué à d’autres douloureuses déceptions. Derechef, il posa une main sur l’épaule de son père, et familièrement :
    — N’aie crainte : Mère sera vengée ainsi que tous les autres !
    Une larme, à nouveau, brilla sur la joue du vieillard dont la mâchoire soudain serrée trahissait une détresse et une impuissance irrémédiables.
    — J’irai trouver le roi, Père. Je lui rapporterai ce que j’ai vu à l’Écluse… Je prouverai que Blainville est le pire Judas du royaume !
    De sa dextre longue et maigre, Godefroy d’Argouges frotta ses yeux :
    — Tu n’as aucune preuve pour subvenir notre destinée.
    — J’en trouverai ! Dieu exaucera ma volonté !
    C’était de la présomption, mais il devait fournir à cet homme détroussé des vertus qu’il lui avait connues l’image d’un guerrier hanté de certitudes, invincible comme lui naguère aux assauts du désespoir. En dépit de son deuil inattendu et de la lassitude d’une chevauchée pénible, il se sentait empli de turbulences. Comment, toutefois, n’eût-il pas pris conscience qu’entre son père et lui une opposition s’élevait malgré le renouveau d’une étroite affection ?
    — Prends garde, Ogier. Tu devrais savoir ou supposer les méfaits dont Blainville est capable.
    — Pendant cinq ans, Père, j’ai imaginé tout ce qu’il pouvait encore tramer contre nous. Je me crois prémuni contre sa malivolance et en mesure de contrester [108] à ses cruautés.
    Ce soir, il acceptait quiètement de courir tous les risques pour que justice leur fût rendue. Bien mieux : cette expectation se changeait en un sentiment de plaisir. Il sentit que son père s’appuyait davantage sur son bras et s’en réjouit. Peut-être la volonté ou le désir de vivre un avenir serein affermirait-il leur intimité recouvrée. Des fatigues différentes, mais éprouvées au même instant, les maintenaient l’un contre l’autre devant ce tertre si peu digne de celle qui reposait dessous.
    — Tu arrives bien tard, mon fils. Quelle joie si elle te voyait comme je te vois.
    Ogier s’aperçut que son père l’examinait. Voulait-il se conforter ? S’assurer qu’il portait dans ses veines le sang des Argouges, cette sève ancienne, vivace, qui jadis avait nourri ses moelles avant d’épanouir sa fleur en ce chevalier dans lequel il se reconnaissait à peine ?
    — Je vous vengerai, Père. Je nous vengerai !
    — Je loue ta volonté, mais crains ta véhémence.
    Pour ce soir, ils s’étaient tout dit.
    Ogier s’inclina sur la tombe vulgaire : «  Mère, je vous vengerai ! » Il se tourna vers les écuries. Adelis en sortait. Derrière elle, Thierry tenait une torche ; Raymond portait la besace contenant la nourriture et Bressolles un tonnelet de vin acheté à Quettreville et destiné à fêter les retrouvailles.
    — Le fourrage est bon, dit Thierry. Il ne manque plus que quelques seaux d’eau. Je vais m’en occuper avec Raymond.
    Puis voyant l’éminence de terre et dessus, les glaïeuls dont les fleurs se mouraient :
    — Qui c’est ?
    — Ma mère, dit Ogier.
    Et il fondit en larmes.

II
    Le bras dextre ceignant la taille de son père,

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