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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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n’avait pas été attestée. Et si nombreux sont ceux, parmi eux, qui secrètement trouvent des excuses à Godefroy d’Harcourt et l’approuvent même d’être passé à l’Angleterre, il en va différemment pour moi. Soupçonné de trahison, je n’ai pas fui comme Harcourt ; j’ai eu le front de revenir en ma demeure. Voilà pourquoi je suis un seigneur scandaleux !… J’ai craint de voir mon fief forfaire pour cause de félonie, mais ils n’ont point osé prononcer sa confiscation. Certes, ces anciens compagnons ne s’allieront jamais à Blainville dont ils connaissent les persécutions à mon égard ; il n’empêche qu’ils me honnissent. Sache-le, mon gars : l’ingratitude des uns, l’indifférence des autres et surtout ce mépris détestable et tenace en lequel ils tiennent un homme qui, pour eux, a failli, m’étouffent lentement.
    Quittant son gantelet, Ogier frotta son front moite :
    — Une fois rétabli dans votre dignité, Père, je ferai en sorte qu’on vous respecte et que les plus dédaigneux s’humilient devant vous !
    Il se tourna vers Raymond et Champartel :
    — Hâtez-vous d’en finir avec nos montures…
    Et comme Adelis remuait :
    — Non, m’amie, ne les aidez pas. Bientôt je vous soulagerai de Titus.
    Il vit les chevaux entrer dans l’écurie, suivis du mulet et de Facebelle. Raymond sortit du bâtiment ; il y avait trouvé un flambeau qu’il vint allumer à celui de Godefroy d’Argouges, tandis qu’Ogier, pendant ce temps, regardait les murailles autour de lui.
    Gratot… et cette mort droite ou sournoise ; ces assauts de truands… Gratot ou l’Érèbe, ce vestibule de l’enfer ? Il sentait son sang se tarir et s’aigrir.
    — Les ingrats ! Pas un seul ne sera donc venu vous encourager ou vous dire, tout bonnement : «  Godefroy, j’ai foi en vous ! » Pas un !
    Sous la lune enfarinée, le visage du vieillard n’exprimait toujours rien d’autre que l’impuissance et la résignation.
    — Père, cessez de vous tribouler [105] . Vous avez avec vous, ce soir, des hommes de grand vasselage [106]  : Raymond, Thierry et Bressolles, qui nous a promis quelque temps sa présence. Sachez-le aussi : Adelis n’est l’épouse d’aucun d’eux, mais je peux vous assurer qu’elle sait se battre… Elle aidera ma mère et ma sœur, que j’ai grande envie de voir sans plus tarder !
    Voyant un tressaillement dans le visage livide, il ajouta :
    — Quand mon oncle m’a avoué, voici moins d’un mois, que vous m’aviez fait passer pour mort même pour elles afin de ne compromettre en rien mes enfances, je vous en ai voulu !
    Troublé soudain par la contraction de ce visage plus méconnaissable que jamais et sur lequel le chagrin semblait souffler en tempête, Ogier cria sur un ton de révolte et d’effroi :
    — Père, dites-moi tout ! Je pressens un malheur pire que tous ceux dont vous m’avez parlé !
    D’un geste las, Godefroy d’Argouges désigna, au milieu de la cour, un tertre qui, dans la nuit, semblait un ramas d’herbes et de fourrage :
    — Ta pauvre mère est là.
    Gémissant, les yeux secs et les tempes battantes, Ogier se retint au vieillard qui chancela. Il ne pouvait dire un mot. Cette révélation lui écorchait le cœur. Pourquoi ? Pourquoi elle  ? Il s’emplissait de cette certitude odieuse : morte  ! Assommé, indigné, il ne pouvait que se répéter : morte. Fiévreux, les yeux secs, les paupières soudain lourdes, poivrées, douloureuses, il entendait le souffle précipité de son père entre les grésillements du flambeau.
    — Elle n’en pouvait mais… Elle avait le caractère ferme en apparence… rien qu’en apparence ! Elle a vu nos bonnes gens périr ou s’en aller… Chaque nuit, elle avait peur… Elle priait sans arrêt pour ton âme et un jour, afin de l’apaiser, je lui ai dit que tu vivais, que tu nous reviendrais… Elle n’a pas voulu me croire et c’est à partir de là que sa raison s’en est allée grain à grain.
    Comme la peau se gonfle sous la violence d’un coup, Ogier, le cœur dilaté par ce heurt, ne pouvait que serrer les poings sous l’effet d’une colère dont il savait bien qu’elle était vaine.
    « Dieu l’a voulu sans doute. Et Aude ? »
    Son père, d’une voix plate, continuait :
    — Elle errait des jours entiers sans parler… Elle bougeait cependant les lèvres et se réfugiait dans ta chambre… Et puis un soir, elle a fait comme l’autre…
    Ogier

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