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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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quoi à ma malaisance. Ce forcené est une charogne sur deux jambes… D’ennemis jurés, nous allons devenir frères d’armes… Vous avez retrouvé Calveley avec joie sinon avec satisfaction. Moi, je sens le fiel de Brignais me revenir à la gorge.
    – Ils me donnent tous envie de vomir, sauf Shirton et Calveley, avoua Ogier d’Argouges. Cela, nous l’avions prévu. Il faut nous en accommoder.
    Tristan vit Bagerant se lever. Ah ! Comme il détestait ce visage anguleux, ces cheveux au bord du front et des tempes, collés par la sueur et les salissures dues aux poudres des grands chemins ; ce sourire tellement « amical » qu’il justifiait, à lui seul, une aversion qui soudain éveillée, montait, irrésistible, des profondeurs de son être. Quelle que fût la force avec laquelle il serrait les mâchoires, un grognement s’en échappait.
    – C’est donc toi ! fit Bagerant.
    Engourdi dans sa mésavenance et sa répulsion, Tristan eut tout juste assez de voix pour ébaucher une réponse :
    – Décidément, il n’y a céans que des enfants de Satan puisque tu as accepté leur compagnie !
    Il se trouvait tranché en deux hommes distincts : celui qui venait de s’exprimer avec une aigreur farouche ; celui qui s’était écouté et se trouvait ignare, incapable de trouver une réplique acérée susceptible de débarbouiller cet infâme de la joie qu’il affectait.
    – Est-ce toi qui feras partie des nôtres ou moi qui appartiendrai aux vertueux gens de la France ?… Quel honneur si, sans renoncer à ce qui constitue ma valeur – autrement dit : mes vices – je deviens dès ce soir où je viens d’arriver, un honnête féal de Charles Quint !
    Sous des paupières appesanties et dépourvues de presque tous leurs cils, les yeux étroits pétillaient. Il avait vieilli, Bagerant. Ce n’était point des poussières qui poudraient, sa tête : les cheveux raréfiés s’étaient tout bonnement blanchis. Ses lèvres blêmes, charnues, voraces, étaient serrées entre deux arcs profonds et sous le pourpoint gonflé par des muscles en bon état, un embonpoint se dessinait. Sa démarche souple, qui tenait naguère du tigre ou du loup-cervier, s’était alourdie. Maintenant, immobile ; le malandrin semblait attendre, voire espérer un premier coup d’estoc.
    –  Comment vont tes femmes ? Les as-tu tourmentées une par une jusqu’à la mort comme c’était l’usage à Brignais ?
    Bagerant s’ébahit d’être traité sans apparente rancune. La hargne ou plutôt la répulsion inscrite sur le visage de son ancien otage avait fait place à une bénignité dont il pensait pouvoir triompher par des mots.
    – Mes femmes ? Mon haram comme disent les Mores ?… Il ne m’en reste qu’une… une abbesse que j’ai là-bas…
    Un geste vers on ne savait quoi, puis :
    – Une abbesse, oui.
    – C’est bien le seul moyen que tu connaisses pour t’abaisser afin d’entrer, si j’ose dire, dans la bienveillance divine.
    – Oui… J’ai échangé les autres, toutes ensemble, contre un beau cheval. Je les montais bien, je le monte mieux… Et toi ? Et ton… Elle s’appelait comment, déjà ?
    Il était inutile de profaner ici un nom sacré. De plus, Ogier d’Argouges tendait l’oreille, bien que Paindorge s’évertuât à le distraire.
    – Elle est morte.
    – Ah !… C’était un mets de choix. Elle avait excité mon appétit d’amour.
    – Je sais.
    Et brusquement, avec une grimace, comme si une plaie à peine cicatrisée se rouvrait dans sa poitrine, Bagerant redevint sérieux :
    – Tu ne m’as pas acquitté, Sang-Bouillant, le prix de ton otagerie.
    Il fallait que ce démon eût de la mémoire pour avoir recouvré, dans les décombres de son existence à Brignais, le sobriquet dont il avait gratifié son prisonnier.
    – Je ne te dois rien. Je ne t’aurais rien payé.
    –  Je m’en étais douté. J’en aurais fait autant. Et Tiercelet ? Est-il trépassé ?
    – Il vit. Il est en bonne santé… Prospère… Dis-moi, n’étais-tu pas à Reims quand le roi y fut sacré ? J’ai cru te reconnaître.
    Bagerant se contenta d’un acquiescement bref.
    – Tu le voulais occire ?… Vous étiez trois… puis deux…
    – Tu as toujours bonne vue, Sang-Bouillant… Et si, plutôt que de l’occire, nous étions allés à Reims pour ébaucher avec le nouveau roi, par le truchement d’un de ses conseils, l’accointance à laquelle tu viens

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