Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
l’un de l’autre, hors si le roi de France, à qui nous ne voulons nul mal, se prend de guerre avec les Anglais… car je suis homme-lige du prince de Galles qui tient la Guyenne et les Gascons.
    – Je le veux, dit Guesclin. Je t’accorde ma foi. Consulte tous tes compagnons’.
    Et pour que l’adhésion fût complète, unanime, il excipa d’un argument selon lui décisif :
    – Nous déconfierons les Sarrasins ! Nous les découperons par les rues, où qu’ils soient, quels qu’ils soient ! Nous les irons chercher dans leurs mahomeries et roberons leurs richesses !… Et nous n’oublierons pas les Juifs !… Ah ! Sachez-le, compères : Pèdre est un fils de Juif. Les mires avaient dit que la reine d’Espagne ne pouvait être grosse que de filles. Un Juif l’a enfourchée ! Son fils, leur fils, Pèdre, est l’œuvre d’un Juif du nom de Zil, conseiller du défunt roi Alphonse. Un Juif qui est devenu gouverneur du roi Pèdre qu’on appelle d’ailleurs Pèdrezil ou Pètrezil 203  !… Compères, décidez-vous : une bulle du Pape, le 9 juin de cette année, vous a tous excommuniés. Voulez-vous blanchir vos âmes ou les noircir davantage ?
    Oppressé par la vision de ces fauves dont les babines retroussées signifiaient des sourires, fasciné par ces galfâtres aux muscles inlassables, qu’ils fussent grands comme Briquet ou Batillier ou mistenflûtes comme Huet et le Meschin, déconcerté par la pesante hilarité de cette pègre coite et suspicieuse, Tristan ne savait plus sur quoi porter son intérêt lorsqu’il s’avisa de Calveley. L’Anglais semblait habilité à décider pour tous, bien qu’il parût le moins cruel et le plus accort.
    – J’en vois qui se merveillent, continuait Guesclin, et d’autres qui sont dolents : ceux qui n’ont point pitié des enfants et des femmes, et arsent les maisons…
    – Comme tu l’as fait, compère, et le feras encore !
    Tristan crut reconnaître cette voix d’une âpreté particulière. C’était à Brignais qu’il l’avait entendue. Mais à qui appartenait-elle ?
    Insensible à cette interpellation, Guesclin poursuivit que les bâtards pouvaient renoncer ainsi que les méchants qui redoutaient fort les peines, comme par exemple monter les montagnes et assaillir les châteaux.
    – Nous aurons bonnes viandes et vins délicieux et ce à quoi vous pensez tous : l’or, l’argent, les joyaux, mactabas et brocarts !
    Une clameur monta, poussée par au moins trente gorges. Les hommes d’âge mûr, fiers du passé sanglant qui flétrissait leur visage sans peser sur leurs larges épaules, semblaient les plus empressés.
    – Nous te suivrons, dit Calveley. Nous avons plus de créance et de confiance en ta parole qu’en celle de ce gros lard d’Audrehem ! Nous croyons davantage en toi qu’en tous les prélats et hauts clercs de France et d’Avignon !… Et si le Pape atermoie, nous le saurons convaincre en se passant de toi !
    – Nous avons écumé les chemins d’Avignon !
    Toujours cette voix que Tristan connaissait. Il ne voyait point l’homme. Il était demeuré assis dans l’ombre depuis l’apparition de Guesclin dont il devait réprouver l’outrancière parénèse.
    –  Eh bien, dit le Breton, qui te dit, l’inconnu, que nous ne les écumerons pas encore ? Il y aura des femmes en sus pour qui voudra !
    C’était inattendu pour tous ces chefs de bandes. Point pour Tristan.
    – C’est de bonne guerre ! triompha Guesclin. Les femmes… Les Juives…
    Il riait. S’il était maintenant à son aise, bientôt, il serait à son affaire. Il ajouta :
    – Nous leur jouerons un air de… viole dans les palais de Pèdrezil 204  !
    Les capitaines s’accordèrent et jurèrent avec une solennité qui, un moment, les pétrifia autour de leur table, de suivre où il irait le comte de Longueville : Bertrand Guesclin. Et pour ce serment-là, un homme assis dans l’ombre de la cheminée se leva.
    – Merdaille ! dit Tristan.
    – Holà, messire, s’étonna Paindorge.
    En voyant son gendre aussi pâle que le lin de sa cotte d’armes et tremblant d’une sorte de répugnance attristée, Ogier d’Argouges exprima son ébahissement :
    – Grand Dieu, mon fils ! Que te prend-il ?
    – Rien… ou plutôt si… Cet homme, là-bas, c’est Naudon de Bagerant. Il me semble vous en avoir parlé. Je fus son otage à Brignais. Je ne lui dois rien puisque je me suis enfui, mais le voir parmi nous ajoute je ne sais

Weitere Kostenlose Bücher