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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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figé, son gobelet au bord des lèvres. Il entonna le vin en trois mouvements du gosier, puis sa stupéfaction revint en une sorte de rot qu’il comprima de sa dextre :
    – Tu la connaissais, Castelereng ?
    Le voussoiement avait disparu et le ton sur lequel la question était dite semblait lourd de reproche : comment un hobereau eût-il pu co nnaître sa cousine ?
    Tristan sentit des pierres dans sa gorge.
    – La connaître ? Non, messire. Mais je l’ai vue quand elle vint en Langue d’Oc et prit le chemin de l’Espagne. Mon père et moi l’avons hourdée 239 jusqu’au château de Puylaurens avec ses dames et les hommes d’armes qui étaient là, circonstans 240 . Sa litière était bleue, semée de lis… J’étais bien jeunet…
    – Dis-m’en davantage !
    Tout en concevant l’impatience de Jean de Bourbon, Tristan la jugea désagréable. Cependant, il avait eu tort de parler, il lui incombait de poursuivre :
    – Ses façons, messire, étaient des plus courtoises. Elle incarnait la grâce et la simplicité… mais elle allait vers son destin comme on va au sacrifice, et la preuve, hélas ! en fut faite.
    – C’est vrai : elle avait le cœur simple et l’âme généreuse. Elle parolait fort peu mais éloquemment… C’est vrai également qu’elle détestait l’idée même de ce mariage espagnol !… Les Espagnols sont des…
    – Messire, coupa Tristan, si les Espagnols étaient ce que vous estimez qu’ils sont, pourquoi soutiendrions-nous don Henri ?
    Il détestait Henri de Trastamare et l’appelait à la rescousse !
    – Sa famille, ajouta-t-il, aurait dû renoncer à la voir épouser le roi Pèdre. On ne sacrifie pas une fille qu’on aime !
    Tristan sentait peu à peu une juste fureur l’envahir. À l’époque où il avait suivi la jeune princesse à Puylaurens, il ignorait tout de l’amour. Il s’était épris de cette gentilfame. Épris comme on s’éprend d’une sainte : sans envie d’effleurer son front d’un baiser, sans désir de l’étreindre – pas même lors d’un rêve audacieux. Parfois encore, il advenait qu’il y songeât et que son visage d’ange se fondît dans celui d’Oriabel.
    – C’est vrai, dit Bourbon, la voix basse, furtive. Elle avait le cœur simple et l’âme généreuse. L’idée que Pèdre y a… touché me courrouce.
    Tristan acquiesça. Il avait senti chez cette princesse un goût de vivre et une capacité d’aimer qu’il trouvait, maintenant, équivalents aux siens.
    – Messire comte, dit-il, pardonnez-moi, mais il me semble plus expédient de la venger que de se recueillir devant sa sépulture. Et, puis-je l’avouer : il me paraît plus important d’accomplir cette vengeance que de mettre le cul du Trastamare sur le trône de Castille !
    Il s’étonna : on l’approuvait. Parce que Calveley l’avait approuvé, puis Bourbon, Beaujeu, Maurice de Trésiguidy 241 qui jusque-là s’était maintenu à l’arrière, et la plupart des autres y compris Bagerant. Un jeune arbalétrier qui passait s’était arrêté. Il observait Ogier d’Argouges qui, de son couteau, dépiautait un os. Quand il l’eut bien considéré, il s’éloigna d’un pas ferme. Tristan crut l’entendre siffler.
    « Qui est-ce… et pourquoi cet intérêt ? »
    Maintenant, le piéton interrogeait Orriz en désignant l’un doigt autoritaire le seigneur de Gratot. De la pointe le son couteau, le Breton montra l’homme qui intéres sait le garçon. Après qu’il eut obtenu satisfaction, l’inconnu se fondit dans l’ombre.
    Tristan toucha son beau-père du coude :
    – Avez-vous vu ce soudoyer qui portait une arbalète sur l’épaule ?
    – Non.
    – Je le reconnaîtrai et vous le montrerai… C’est peut-être celui dont Bagerant vous a parlé.
    – Eh bien, attendons qu’il apparaisse à nouveau !
    Un pli soucieux barrait le front d’Ogier d’Argouges.
    – Sais-tu à qui je pense, mon gendre ? À Luciane et à toutes les femmes, là-bas. Et aux amis qui nous attendent alors que nous sommes à peine partis.
    – Moi aussi, dit Tristan. Je regrette l’absence de Tiercelet. Il sait déjouer toutes les ruses, toutes les embûches. Il nous manquera.
    Il en avait assez dit.

III
     
     
     
    Alors que les Compagnies venaient de contourner Lyon, Naudon de Bagerant dont la malignité semblait depuis quelques jours assoupie, proposa qu’on fît halte à Brignais. Cette suggestion lui fut violemment reprochée par Jean de

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