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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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puces, de poux, de morpoils et autres bestioles ? Il puait, disait-on, à cent pas à la ronde… Et cependant, tu l’as servi avec délices.
    – Peut-être, dit Tristan, pour flairer son odeur !
    Bertrand avait tressailli et blêmi sous une barbe naissante.
    – Vous m’impugnez 229 , dit-il, comme des malandrins.
    – Ose prétendre, insista Tristan, que cette impugnation est fausseté !… La flaireur de Charles de Blois, on en parlait jusqu’aux marches du trône, tant et si bien que le roi Jean ne l’osait recevoir…
    – Et le roi Philippe avant lui, crut bon de préciser Ogier d’Argouges.
    – Soit ! Il empunaisait peut-être autant que le cul de sa dame…
    – Encore qu’il préférait celui de ses écuyers, se permit d’observer Tristan.
    Guesclin, d’un geste, signifia que c’en était assez.
    – Silence, dit-il. Je vous le somme en tant que capitaine souverain… Certes, je ne commanderai pas seul, mais je détiens l’autorité. Calveley doit m’obéir, et Eustache d’Auberchicourt… d’autres, moult autres… Et maintenant, en selle !… Le chemin sera long… Sachez que si vous me titillez encore, il vous en coûtera !
    Et brimbalant sa lourde carcasse de fer, le Breton siffla Orriz, qui accourut pour lui offrir son bassinet aussi dévotement qu’il l’eût fait du saint Graal.
    *
    On chemina 230 . Guesclin, Calveley, Bourbon et tous ceux que Paindorge avait baptisés les Grands , ne quittaient guère la tête du formidable cortège où les routiers aux vêtures déchiquetées, à pied ou à cheval, côtoyaient fréquemment les seigneurs de bonne mine, plus ou moins endimanchés.
    C’était une armée de pendaille où les honnêtes gens étaient aussi peu nombreux, songeait Tristan, que les miettes d’or que l’on trouvait parfois dans les ruisseaux de son pays. Près de lui, son beau-père ne disait mot. Sans doute pensait-il davantage à la sublime Tancrède qu’à sa fille, mais lui, Castelreng, pensait à Luciane pour deux. Comme elle lui manquait ! Comme il devait lui manquer ! Il se merveillait de découvrir qu’il l’aimait plus encore qu’il ne l’avait cru. Partout, autour de lui, la lumière drue et fauve du soleil au commencement de son ascension éclairait de ses reflets obliques les bassinets, barbutes, cervelières, spallières, camails, groupés et étirés dans un désordre qui, vu – ou plutôt contemplé – de loin, semblait harmonieux tant il étincelait. Illusion car dessous, les visages, eux, reflétaient la crapule dans son expression la plus éclatante.
    « Mais Dieu est avec nous… Parmi nous ! »
    Des clercs s’étaient joints à frère Gayssot. Sa force, ses façons et sa hautaineté avaient eu tôt fait de s’imposer à ces croisés en froc de bure, sur l’autre versant de la maturité, avec autant d’autorité que s’il avait arboré la mitre et la crosse. Il chevauchait un roncin, certains avaient une mule, mais la plupart allaient à pied comme jadis Dominique de Guzman dans la Langue d’Oc meurtrie par Simon de Montfort. Parfois, l’un d’eux entamait quelque psaume d’une voix usée pour en avoir trop chanté. Alors, de l’arrière, afin de mettre un terme au latin tremblotant, montait le chant puissant de l’archerie godonne, entonné par un homme, repris par cent, deux cents, mille bouches peut-être – et qu’importait que les autres n’y comprissent rien : ils savaient qu’il était question de l’arc anglais, de sa corde et de sa flèche, et que c’était un hymne dédié à la puissance du long bow qui se dissipait dans le ciel :
    W e’il drink ail together
    To the grey goose feathe r
    And the land where the grey goose flew 231
    Cela, c’était l’annonce qu’il fallait apprêter sa voix, puis venaient les strophes tonnantes, qui ne cessaient de prendre de l’ampleur. Et Tristan ne pouvait s’empêcher de songer à Crécy, à Poitiers, à toutes les batailles où les long bow avaient troué des milliers d’hommes, et aux tueries qu’ils commettraient encore, non plus en France, en Bretagne, en Écosse, mais en Espagne. Qu’eussent-ils dit, les trépassés occis de sagettes goddonnes, s’ils avaient pu ressusciter et voir leurs meur triers accointés à certains seigneurs qui les avaient conduits à la mort ?… Et Shirton, si accort, chantait-il lui aussi ?
    What of the bow ?
    The bow was made in England :
    Of true wood , of yew-wood,
    The wood of English bows .
    So men who are fre

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