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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Bourbon. Second fils de Jacques, comte de la Marche, il avait perdu son père et son frère Pierre dans cette bataille où les routiers, parmi lesquels figurait Bagerant, avaient écrasé l’armée royale commandée en partie par ces deux hommes : leur jactance et leur étroitesse d’esprit avaient provoqué ce désastre (526) .
    Tandis que la fureur de messire Jean éclatait sous l’outrage, on ne manqua pas de jubiler chez ceux qui avaient meurtri, outre les deux chevaliers, une centaine de capitaines et des milliers de piétons. Ébahi par son succès, Bagerant vit ses rires submergés par ceux de Lamit, du Petit-Meschin, des bourcs Camus, de Lesparre et de Breteuil, d’Espiote et de leurs suppôts. Calveley resta neutre : Brignais ne concernait point l’Angleterre.
    – Il manque à cette joie le réjouissement de Seguin de Badefol, confia Tristan à son beau-père. Le gros Pénéodic m’a dit qu’il s’était emparé d’Anse le jour de la fête de tous les saints. Il doit y être encore, sans quoi, il serait parmi eux (527) … Je vous l’ai dit, Brignais fut plus qu’une déconfiture : une punition abjecte et méritée. Cependant, si je hais ces vainqueurs éhontés, c’est en raison des énormités 242 que je les ai vus commettre avant la bataille… et que je n’oserai jamais vous énarrer.
    Il ne pouvait observer les malandrins toujours ivres d’une gaieté féroce sans que son cœur ne fût meurtri. À l’inverse de Bourbon et des prud’hommes de France, il connaissait leurs usages. Excepté Bagerant – qui toujours s’adressait à lui en premier -, il s’efforçait de leur fournir, par une indifférence quelquefois insoutenable, l’expression d’une aversion qui, contraire ment à ce qu’il avait subi à Brignais, ne compromettait point sa sécurité. Ils n’étaient guère susceptibles. Si son exécration les intéressait, ils ne s’en montraient guère affectés : leur plus grande victoire, la plus extraordinaire, c’était d’être passés d’ennemis jurés du roi de France au rang d’obligeants serviteurs de celui-ci. Cette transmutation de leur statut d’immondes créatures à celui d’honnêtes serviteurs de la France et de parfaits novices du Christ distendait leur orgueil tout en les rassurant sur leur impunité.
    Guesclin sut rétablir une paix fragile en enjoignant aux malandrins de se montrer morigénés 243 , ce qui accrut leur jubilation. Elle cessa quand il eut tiré son épée, que tous savaient efficace.
    On repartit et la mésentente fut aussi visible sur les visages des hommes que dans l’allure des chevaux : ils aubinaient, penadaient, passaient de l’amble au traquenard ; d’aucuns même ruèrent, sentant leurs flancs inu tilement abrochés. Pour la première fois, les hommes avaient leurs nerfs et se révélaient en cela pires que des femmes.
    Sur l’entrefaite, deux jours après la discorde à propos de Brignais, Audrehem apparut, le bassinet emplumé, enfermé dans une armure étincelante qui, plutôt que de les ébahir, ébaudit la plupart des routiers.
    – Il est paré pour une joute, ricana Naudon de Bagerant.
    « Es carga d’arjhën comm’un grapâon de ploûmos 244  », se dit Tristan.
    – D’où sort-il celui-là ? fit Paindorge en voyant le maréchal surgir du brouillard matinal comme d’un chaudron de sorcière, traînant derrière son cheval une vingtaine de cavaliers.
    Le neveu du gros Arnoul, Jean de Neuville, se précipita et baisa son oncle à pleine bouche quand il eut mis pied à terre. Les routiers tôt levés s’empressèrent autour du nouveau venu comme s’il s’agissait d’un homme providentiel. On se félicita. N’était-on pas entre gens de bonne compagnie ? Audrehem fit quelques présentations :
    – Enguerrand, de mon hôtel… Pierre Pèlerin 245 … Jean…
    Les mots s’enlisèrent dans la liesse : on aimait Audrehem. Le malheur, c’était qu’il fût surtout apprécié par la canaille.
    – Dommage, dit Tristan, écœuré, que notre roi n’assiste pas à cette allégresse.
    – Peut-être en serait-il ému, dit Ogier d’Argouges.
    – Ou près de vomir, beau-père !
    – Et pourquoi, Castelreng ? demanda Bourbon tôt levé.
    Tristan s’interrogea. Devait-il être ouvert ou prudent ? Bourbon le considérait sans parti pris mais avec défiance. Tout bien pesé, il dévisagea témérairement cet homme glabre, d’allure médiocre mais pompeuse :
    – Messire comte, ces congratulations

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