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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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me contrarient sans pour autant m’affliger autant que vous… Vous savez que j’étais à Brignais, captif de ces mêmes hommes tandis que votre père et votre frère marchaient à leur rencontre. Or, une partie des routiers extérieurs à Brignais occupaient Sauges. Et Perrin Boras – ou Boias – les commandait…
    – Je sais cela.
    – Armand, le vicomte de Polignac ainsi que des seigneurs du Velay et d’Auvergne assiégèrent Sauges. Comme ils ne parvenaient pas à la conquérir, ils envoyèrent un chevaucheur à Audrehem pour lui demander de l’aide. Or, plutôt que de les vouloir occire ou tout simplement chasser de la cité, Audrehem traita ces coquins comme des égaux, acquitta le prix que demandait leur chef pour leur retraite et leur permit de guerpir avec leurs armes, leur charroi de butin, leurs chevaux et sommiers, de sorte qu’à Brignais, au milieu de la bataille ; quand rien n’était ni gagné ni perdu, les malandrins de Sauges grossirent les rangs de leurs compères en difficulté tout en prenant les gens de France à revers 246 .
    –  Certes, certes. Mais Audrehem…
    – Il avait le temps d’accourir avec ses hommes. Or, il choisit de galoper vers la Langue d’Oc.
    Bourbon baissa la tête et, à voix basse :
    – Mon père me l’a dit parfois : ou il arrive en fin de bataille ou il trouve un moyen de faire un grand détour… Il ne remet jamais ses comptes au roi et pour cela, il n’est point avare de prétextes… Mais aucun prud’homme ne peut rien contre lui : il est aussi sacré, à la Cour, qu’un des Livres d’Heures du roi !
    – Hélas ! fit Tristan.
    – Vous l’avez dit, Castelreng !
    Le comte de la Marche s’éloigna vers son pavillon, à l’opposé d’Audrehem, en se disant sans doute qu’il verrait bien le maréchal assez tôt. Il croisa Guesclin qui, lui, courait congratuler le nouveau venu.
    – On prétend, dit Ogier d’Argouges, qu’Audrehem est pour beaucoup dans son ascension… L’ascension de Bertrand, veux-je dire.
    – Je crois que le Breton sait s’exhausser tout seul. S’il est un maître pour les agissements tortueux de la guerre – encore qu’il ait perdu de nombreuses batailles -, les jeux de Cour ne le passionnent point. D’ailleurs, il est trop rustre pour qu’on l’accepte longtemps au Louvre, à Vincennes ou dans quelque noble hôtel où le roi et les prud’hommes fréquentent. Il taperait familièrement sur le potron des dames ou leur empaumerait les seins pour comparer avec ceux des Bretonnes – voire de sa Tiphaine. Et j’ai la conviction, beau-père, que cette femme doit être folle ou malade pour oser forniquer avec un tel homme. Il ne se lave guère et pue, il est ignare… Quand à sa hure…
    – Il est vrai…
    – Croyez-moi : cette Tiphaine, en se mortifiant, se convainc qu’elle est différente des autres. Elle en tire de l’orgueil et gagne son Paradis… Selon moi, elle doit lui demander d’éteindre les chandelles lorsqu’il désire la foutre…
    – Crois-tu qu’il lui soit fidèle ?
    – Cet homme-là ne peut s’amourer d’aucune femme. Il est bien connu qu’il les prend par force. Il s’en est même vanté lors de ses retrouvailles avec Calveley… Ce n’est pas l’amour qui poussa cette Tiphaine dans ses bras. C’est le goût du sacrifice, de la macération, la volupté d’endurer je ne sais quelle vergogne pour jouir autrement que les autres dames… Mais remuez à peine, beau-père… Voyez, là-bas, à dextre, ce soudoyer devant lequel passe Audrehem. C’est l’arbalétrier qui vous a observé… et qui vous épie encore.
    C’était un garçon de vingt ans, trapu, solidement posé sur le sol où son ombre se mêlait à celle de son arbalète et de la trousse de cuir emplie de carreaux. À en juger par la largeur de ses épaules, il était vigoureux comme un bûcheron et fier de sa force. Son visage rond n’était pas sans beauté, « ni même sans noblesse », songea Tristan. De grands yeux bleus, sans doute ; un front haut sous la coiffe de mailles, des lèvres épaisses, retroussées par un pli d’amertume ; une mâchoire carrée, solide, capable de rompre aisément des noix. La sérénité d’un garçon muré dans ses pensées ou dans un ressentiment ténébreux et vivace. Faute de pouvoir acquérir un haubergeon, il était vêtu d’une cuirie parsemée de bossettes, de genouillères de fer, de heuses assez courtes, noires, certainement éculées. Une sorte

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