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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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ou quelque autre prud’homme.
    On avait déploré jusque-là des foulures et quelques cas de dysenterie. On avait laissé quelques malades à l’arrière. Lorsqu’on eut dépassé Orange, un homme mourut soudainement.
    – Il était hodé 248 , dit Guesclin. Je lui avais dit de monter dans un chariot. Tant pis pour lui.
    Deux bidaus portèrent le corps vers un des bas-côtés du chemin et l’y déposèrent. Tristan vit que leurs pieds endoloris, dans des sandales pourtant larges, saignaient autant que ceux du trépassé.
    – On l’enterre ? demanda l’un des hommes.
    – Non, dit Guesclin. Voyez : c’est du sable. Il coulerait à mesure que vous fosseriez le sol… Ôtez ses vêtements, gardez-les. Prenez aussi son braquemart.
    – Ah ! Ah ! fit un homme. J’en ai déjà un dont je me sers point.
    – Ça viendra ! Ça viendra ! promit, égayé, le Breton.
    Puis tourné vers les quelque trente curieux qui s’étaient approchés, il s’enquit :
    – L’un de vous connaît-il la prière des morts ?
    –  Moi.
    C’était l’arbalétrier dont la présence rongeait Tristan d’inquiétude. En même temps qu’il se disait que, s’il avait vingt ans, ce rustique en paraissait davantage, il vit avec quel air de souverain mépris il dévisageait Ogier d’Argouges.
    – Holà ! s’écria le chevalier normand, que t’ai-je fait ?
    – Vous le saurez assez tôt.
    – Je ne t’ai jamais vu avant cette rencontre.
    – Moi, je vous connais… Permettez que je m’occupe de lui.
    Le garçon désignait le mort, maintenant nu, d’un doigt tremblant.
    – Dis-la bien, Lionel, cette prière !
    Tandis que, sur cette injonction, Guesclin s’éloignait au galop en hennissant un rire, l’inconnu ôta son camail, révélant une chevelure blonde, coupée à l’écuelle, écrasée sur le dessus par les anneaux de fer.
    –  Sancte Michaele Archangele, defénde no in praelio ; contra nequitiam et insidias diaboli esto praesidium…
    –  Holà ! dit frère Béranger en s’approchant, ce n’est pas ce qu’il faut dire.
    Il joignit les mains et pria pour lui seul avec une ferveur que Tristan trouva suspecte en regardant le ventre de ce mort qui peut-être s’était abattu sur celui de quelques captives.
    –  Gloria Patri, et Filio, et Spiritui sancto. Sicut erat in principio et nunc, et semper : et in saecula saeculorum. Amen…
    Frère Béranger se signa brièvement et partit sur les traces de Guesclin comme sur celles d’un apôtre.
    – Pour peu que j’en aie connaissance, ton latin était pur… des plus ecclésiastique !
    Lionel sourit d’une demi-bouche qui en faisait frémir la commissure.
    – Ah ! Tiens…
    Tristan insista :
    – Où l’as-tu appris ? Qui te l’a enseigné ?
    L’arbalétrier regarda les hommes immobiles autour du mort. Ils se concertaient du regard. C’était le premier trépassé. Le premier trépassé bêtement : il n’avait point succombé lors d’une bataille. Pas même au cours d’une escarmouche. Son décès ressemblait à une désertion impunie, impunissable.
    – … et semper… et in saecula saeculorum. Amen… répéta Lionel en se signant.
    Il n’y avait point à s’y tromper : les signes du rite étaient convenables ; la voix vibrait de sincérité ; mieux encore : de compassion. Ce garçon amer et arrogant avait reçu un soupçon d’éducation religieuse.
    – D’où viens-tu ? insista Tristan sachant qu’il satisfaisait la curiosité de son beau-père.
    – Il le saura bien assez tôt.
    Du menton, l’arbalétrier désignait Ogier d’Argouges qui, au trot de Malaquin, rejoignait Paindorge, les soudoyers et les sommiers immobiles à quelques toises.
    – Sache que cet homme est bon.
    – C’est vous qui le dites.
    – Je suis son gendre et veillerai sur lui comme sur mon père.
    – Veillez, messire, veillez !
    – Tu veux l’occire ? Dis-moi pourquoi !
    – J’ai mes raisons.
    – Un carreau dans le dos…
    – Je sais tenir une épée, messire, sachez-le.
    Lionel cultivait les sentiments élémentaires. Il s’était placé de son plein gré dans les Compagnies.
    – Y a-t-il longtemps que tu vis parmi ces gens ?
    – Comme un loup, j’ai vécu de meute en meute, messire. J’ai trouvé l’homme que je cherchais en chair et en os.
    – Que t’a-t-il fait ?
    –  À moi rien. Tristan monta un degré de plus dans son questionnaire :
    – À ta mère ? Il vit qu’il avait touché

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