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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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soudans à la peau brune, et ces femmes, qui ne sont point cloîtrées comme en Arabie, tirent vanité de la vigueur de ces tonsurés…
    Tristan n’osait y croire. Il laissait dire. Bagerant, lui, se délectait.
    – Dis-toi bien, Sang-Bouillant, que la conduite de ces ecclésiastiques ne cause point de scandale. Le luxus, comme on dit, de leurs maîtresses, excite parfois l’envie des dames nobles. On appelle ces putains barraganas de clérigos et les enfants nés de ces coucheries sont légitimés. Les prélats les plus en vue sont entourés de femmes de toutes races et de vassaux qui n’ont qu’une envie : les corrompre !
    Tristan frotta sa nuque où le sang affluait. Il semblait qu’il venait d’y éprouver un coup plus terrible qu’une colée.
    – Un moine m’en avait parlé. Comment, toi, sais-tu cela ?
    – Non seulement j’y suis allé, mais il y a quelques Espagnols du Trastamare avec nous, en attendant qu’il nous adjoigne son armée. Je peux te les montrer. Tu les interrogeras.
    – Cela me paraît inutile… La Chrétienté est malade. L’or et la volupté sont pour elle comme une vérole. J’ai accompagné le roi Jean, il n’y a guère, en Avignon. Rien n’y est beau…
    – L’Espagne est pire (529) . C’est tout juste si les églises n’y sont point des bordeaux…
    Tristan soupira :
    – Notre Clergé de Langue d’Oc était ainsi au temps des Albigeois. Je ne me suis jamais étonné que les Boul gres (530) qui étaient purs, y aient obtenu cette renommée qu’éteignit dans le sang Simon de Montfort… Mais pourquoi allons-nous en Espagne ? Laissons tous ces gens dans leur fange. Pourquoi, nous qui sommes indignes de servir Dieu, allons-nous nous répandre dans un pays tout aussi laid que le nôtre ?
    –  L’or, Sang-Bouillant !… L’or et les délits 251 que toutes ces femmes perverses peuvent nous dispenser quelle qu’ait été leur naissance… J’ai grand hâte d’être là-bas, au contraire de toi.
    On attendit un signe une journée entière. Quelqu’un allait quitter la ville sainte et venir à Villeneuve pour y parlementer avec les Compagnies. Si ce n’était un grand évêque, ce serait un prélat domestique, un chapelain, un légat ou un ablégat. On ne vit rien venir qu’un invincible ennui.
    – Ils foirent dans leurs braies s’ils en ont sous leur robe, ricana Guesclin. Attendons.
    Tristan se demanda si cette attente ne tournerait pas à l’espérance bretonne 252 . Il avait fait planter la tente de son beau-père tout près de la sienne, à l’une des extrémités du champ où il avait affronté Bridoul de Gozon, le champion de Jeanne de Naples, trois ans plus tôt. Paindorge décrivit ce combat pour Ogier d’Argouges et les trois soudoyers, cessant quelquefois son discours afin d’obtenir un assentiment – « Pas vrai, messire ? » – et, satisfaction obtenue, reprendre le fil de l’histoire. Souhaitant y mettre fin, Tristan dit « qu’on se rapprochait enfin de l’Espagne », à quoi le seigneur de Gratot répondit «  qu’il se rapprochait aussi ». Tous se détournèrent : c’était Lionel, à cinq ou six toises, l’arbalète à l’épaule et le demi-sourire que Tristan détestait cloué sur les lèvres. Ses compères étaient de la même espèce : des coquins mal vêtus, coiffés de fer, armés par la rapine. Paindorge les compta :
    – Douze. Dix picquenaires et deux archers dont un, le barbu, a dix ans de plus que les autres. On dirait qu’ils sont ensemble depuis longtemps.
    –  Il a, dit Tristan, des bras et des épaules de boquillon.
    – C’est vrai, mon gendre : je l’imagine abattant des arbres comme s’ils étaient ses ennemis. Et cela me remémore je ne sais quoi… Ce n’est pas une arbalète qu’il devrait tenir sur son épaule, mais une hache. Et non pas une hache d’armes : une cognée.
    – Maintenant, dit Lebaudy, tous ces larrons savent comment vous êtes et combien nous sommes. Ils vont nous chercher une noise.
    – Eh bien, dit Paindorge, qu’ils essaient.
    On s’efforça de ne plus accorder d’attention à ces ribauds et à leur chef, de sorte qu’ils s’éloignèrent, mais Tristan sentit longtemps sur son dos, comme une sorte d’invisible tumeur, le regard de ce Lionel si farouchement haineux.
    – J’aimerais savoir ce qu’il me reproche, dit Ogier d’Argouges.
    – Il vous le dira en vous affrontant. Et par Dieu, ce sera par-devant. Ce n’est pas un garçon à

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