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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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frapper par-derrière.
    – Je n’en suis pas si assuré que toi.
    La journée s’acheva sans que le moindre moine eût fait une apparition. Le soir, au conseil institué par Guesclin, on s’inquiéta. Le Breton refroidit les têtes échauffées :
    – Tudieu ! Messires, ne comprenez-vous point qu’on nous craint… et mieux : qu’on nous abomine ?…
    Ce n’est pas ma faute mais la vôtre !… La plupart d’entre vous sont venus par ici. Vous avez forcé les cités du Comtat Venaissin et forcé aussi les filles, les femmes et les enfants qui s’y trouvaient. Vous avez mis en perce les culs, les fûts et les futailles, mêlé le sang au vin, les hurlements aux rires…
    – À l’annonce de ces sacrifices, dit frère Béranger, les évêques se sont cachés la face dans leurs chapes ouvrées ; ils ont brandi puis renversé leurs crosses pour en frapper les pavements des saints lieux. Une bulle du 9 juin de cette année vous a rejetés hors de la Chrétienté comme des monstres, des fils de Satan… Vous avez été frappés d’excommunication !… Les chaudrons de l’enfer bouillonnent à votre usage et vous voudriez que de saints hommes soient venus en courant pour vous congratuler ? Si vous êtes mécontents, il vous fallait accepter la croisade en Terre Sainte ou la guerre au royaume de Hongrie proposées l’une et l’autre par Sa Sainteté !
    – Il a raison, dit Hugh Calveley, résigné à la patience.
    – On a faim, dit Espiote.
    – Et soif ! renchérit Bagerant.
    – C’est… c’est vrai, approuva le Bègue de Villaines.
    Assis sur le sol entre son beau-père et Paindorge, Tristan ferma les yeux. Ses paupières rosirent tant le grand feu allumé et alimenté par les Bretons brasillait en lançant vers le ciel des flammes aussi hautes qu’un homme. Sans effort, il pouvait imaginer, dans la confusion de la peur, les robes rouges des cardinaux montant et descendant les escaliers pontificaux, et les conciliabules qui en ce moment même réunissaient les évêques et le Pape. Sans doute les Avignonnais s’étaient-ils groupés, anxieux, devant le Palais. Sans doute étaient-ils si nombreux que les litières cardinalices s’y frayaient diff icilement un passage. Sans doute les papalins armés en guerre veillaient-ils aux créneaux.
    – À quoi penses-tu, Tristan ? demanda Ogier l’Argouges en regardant le feu foisonnant d’étincelles.
    – Au Pape… Je l’imagine enfermé dans sa garde-robe. C’est une petite salle peinte aux couleurs du ciel où, dans un Paradis souriant aux regards, on voit l’histoire d’Adam et Ève. J’ai entrevu cet endroit. C’est du côté de la tour de Trouillas, non loin du logement réservé au Consistoire. J’imagine aussi les propos des cardinaux qui sont allés sur le rocher des Doms assister à notre venue. La frayeur leur tord les boyaux comme des linges qu’on essore, bien qu’ils sachent que le rédempteur qui leur vient de Bretagne est parmi nous.
    Tristan soupira. Guesclin, de loin, l’interrogea :
    – Que disais-tu ?
    – Je disais que le Pape a peur. Que les cardinaux ont la caquesangue malgré ton auguste présence. Je crois néanmoins que Dieu leur fournira le courage de nous affronter.
    – S’ils ne viennent pas demain, j’irai à leur rencontre. J’irai jusqu’au Palais leur tirer les oreilles !
    – Vous aberrez, messire, complètement, ricana Jean de Neuville. Quand vous verrez le Saint-Père, vous courberez l’échine. Et c’est peut-être lui qui vous les tirera !
    – Me tirer quoi ? fit innocemment le Breton. Je ne le permets qu’à mon épouse !
    Il y eut des rires. Guesclin s’y associa.
    – Allons, Jean, mon neveu, dit Audrehem, garde-toi de provoquer cet homme. Si nous sommes les Fleurs de la Chevalerie, il Sait qu’il en est le chardon.
    On oublia le Pape et sa frayeur s’il se pouvait que le Saint-Père fût effrayé puisqu’il était le confident de Dieu, Sa voix et, s’il en était besoin, Son glaive.
    – Armons-nous de patience, dit Calveley qui sem blait loin, bien loin de ce grand feu et des hommes qui l’encerclaient.
    – J’en ai assez, dit Ogier d’Argouges.
    Il venait de lever les yeux : Lionel l’observait cette fois sans sourire.
    Sur le velouté rougeoyant du ciel, l’arbalétrier se détachait, immobile et ténébreux comme un fantôme revivifié. Tristan pressentit que son beau-père allait lever pour demander au garçon, une fois pour toutes, la raison de

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