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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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en grand deuil. Je me suis enfui : J’ai peur. Si vous ne me gardez, elle me fera pendre. » Alors…
    Guesclin cessa de prendre une voix pleurarde et reprit, marchant vers Bourbon pantois :
    – Alors, le roi qui voulait voir sa femme morte décida qu’il avait trop attendu. Et le Juif de dire : «  Sire, il convient d’étouffer la dame dans son sommeil. Il n’adviendra plaie ni horions sur son corps. Nous sau rons bien en venir à bout. » On dit qu’il entra dans la chambre de la reine avec cinq ou six autres Juifs. Qu’ils lui laissèrent le temps de recommander son âme à Dieu, et qu’Abraham, un des Juifs, lui dit qu’il lui fallait mourir sans délai. Alors, elle dit qu’elle recevrait la mort de bon cœur pourvu que Dieu lui vienne en aide… Les dames et damoiselles qui étaient là pleuraient et s’arrachaient les cheveux… «  C’est un trop grand forfait », lit l’une d’elles.
    – Ô combien, dit Bagerant.
    Tristan se leva, indigné :
    – Ne larmoie pas, Naudon ! J’ai vu comment tu traitais les femmes de Brignais. Ah ! Non, ne larmoie pas !
    – Ferme ta goule, Castelreng, dit Guesclin. Laisse que je termine.
    Et, reprenant son souffle :
    – Des Juifs firent descendre les dames de parage dans un cellier et les y enfermèrent. Ils saisirent la reine sans tarder, sans ménagement, et la couchèrent dessus son lit. Ils prirent un oreiller et le jetèrent sur elle, puis ils lièrent ensemble deux autres oreillers et pendirent un mortier à chacun des deux bouts de la corde. Puis ils partirent et firent tout vider, si bien qu’il ne demeura ni dame ni écuyer. Ils fermèrent la chambre et s’en allèrent débattre et festiner dans un château voisin… Ainsi mourut la dame. Par la faute et la volonté d’un Juif !… Au matin, quand on la trouva dans son lit, elle tenait un psautier dans ses mains. Elle fut ensépulturée dans un monastère. Medina-Sidonia ? Saint-François de Xérès ? Nul ne le sait.
    Il y eut un silence. On sentit soupirer quatre ou cinq cents poitrines. Guesclin, satisfait, reprit :
    – Avant de la mettre en chercus de bois, il y avait, pour la voir, moult bonnes gens dont un aveugle et deux lépreux qui baisèrent les pieds de dame Blanche. Et par la volonté de Notre-Seigneur et l’intercession de la défunte, l’aveugle put revoir et les lépreux furent gué ris !… De sorte que tous les malades d’Espagne, en dépit des menaces du roi, veulent toucher la sépulture de la bonne dame et s’en revenir chez eux en santé !
    –  C’est trop beau pour être vrai, dit Robert Brique !
    – Oui, admit Bourbon. Ma cousine était belle bonne et généreuse…
    – Je crois à ses miracles ! tonna Guesclin.
    Nul n’osant dire un mot, le Breton s’avisa des Toulousains dont beaucoup, confondus par tant d’éloquence homilétique, étaient demeurés en selle :
    – Je tiens tout ce que j’ai dit du roi Charles. Et je crois tout ce que dit le roi Charles !… Alors tu pense ; bien, Garidech, et toi, Montastruc, que les Mahoms attendront leur châtiment. Ce sera les Juifs d’abord. Je veux voir leur sang noir ruisseler sur les murs, les pavements, et teindre les eaux des rivières et des fleuves !
    – Et si les Juifs n’étaient pour rien dans cette estouffade ? suggéra le Petit-Meschin.
    D’un autre, Guesclin se fût senti insulté. Son épée aurait vu la couleur de la nuit. Mais c’était une espèce de frère qui venait de l’interpeller.
    – C’est les Juifs !
    – On m’a dit à moi que c’était un arbalétrier du roi Pèdre, dit Hugh Calveley. Nous devrons vérifier…
    Garidech fit tourner son cheval et Montastruc en fit autant pour le sien.
    – Holà ! Compères, où allez-vous ? demanda Guesclin stupéfait.
    – Raconter à nos amis de l’arrière ce que tu viens de nous dire… Nous étions venus pour occire des Mahomets, dit Garidech en s’éloignant. Les Juifs ne nous ont rien fait…
    – C’est que vous êtes Juifs vous-mêmes ! hurla Guesclin.
    Il tira son épée, fut sur le point de courir sus aux Toulousains. Calveley le retint par sa ceinture d’armes :
    – Laisse !
    Mais Guesclin hurlait toujours à l’intention de Garidech, de Montastruc et de leur petite armée :
    – Juifs ! Juifs !… Au nom du Christ, que le diable vous emporte !
    Tristan et son beau-père échangèrent un regard. Les mots leur semblaient inutiles.
    Au loin retentissait le lourd galop de quatre cents

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