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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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chevaux. Tristan ne s’interrogea point pour conclure si les Toulousains avaient tort ou raison. Un fait demeurait : ils étaient partis (532) .
    *
    Vendredi 14 novembre. La déception provoquée par a retraite des Toulousains cessa lors de la matinée, supplantée par une autre, plus irritante : le Pape ne se manifestait pas.
    – Il craint que nous lui robions sa belle chape ! dit Guesclin qui tournait autour des cendres du grand feu en les piétinant parfois.
    – Il a peur de voir ta tête ! affirma Trésiguidy.
    – Elle n’est pas plus laide que celle du Tristemare 253 , dit Alain de Beaumont afin de susciter à son égard la bienveillance du Breton.
    Villeneuve semblait dormir dans ses parois de pierre mais l’on voyait fréquemment, au-dessus d’une porte la dent d’acier d’une arme d’hast. Avisant un muret qui clôturait un champ, Guesclin s’en approcha dans un bruyant cliquetis d’éperons. Sitôt sur ce perchoir, il ignora Calveley, lequel, les pieds pourtant sur terre, dominait encore d’une tête. Il considéra ses guerriers dont le nombre s’était grossi puis dégrossi de quatre cents hommes.
    –  Ils voulaient chasser les Maures d’Espagne. Les châtrer, à mon sens, c’était mieux.
    On rit. Il le fallait pour ne point affecter l’humeur du maître. Tristan regretta ce départ aussi prompt que l’arrivée de ces guerriers. Ils étaient venus en hâte. L’annonce que Guesclin commandait à une armée de justiciers s’était répandue en Langue d’Oc avec la vivacité des nouvelles orales qui sautent de bouche en bouche et ne connaissent ni les détours ni les empêchements des grands chemins. D’ailleurs, les préparatifs de cette croisade étaient dans l’air depuis si longtemps que les chevaliers toulousains en avaient dû sentir les frémissements dès que l’armée avait traversé la Bourgogne.
    – Qu’ils aillent se faire empaler par leurs pairs et même par leurs grands-pères !
    On ovationna le Breton pour cette calembourdaine. Hissé sur une éminence herbue auprès d’Ogier d’Argouges, Tristan leva les yeux vers le ciel vide d’oiseaux et de soleil en se demandant si l’on partirait un jour de ce champ qu’il n’aimait guère bien qu’il s’y fût victorieusement battu contre le champion de Jeanne de Naples. Ils étaient, son beau-père et lui, en plein milieu des hordes de combattants par la présence ; hors d’elles par la pensée. Loin derrière, Paindorge et les soudoyers veillaient aux chevaux. Devant, c’était le pullulement des mailles, des étoffes, des armures de fer, des barbutes, bassinets, camails. Certains hommes à cheval regardaient Avignon aux antiques murailles par-delà le Rhône gris et puissant. Ils échangeaient avec leurs voisins des considérations sur le trésor qu’on allait exiger pour continuer le cheminement vers l’Espagne. L’appétit de l’or et des autres richesses et l’envie pressante de les voir et de les toucher composaient dans leur esprit une trame qui, pour être confuse, n’en était pas moins enivrante.
    –  Vas-y, Malebouche ! hurla un homme.
    Guesclin domina son auditoire et sourit du silence respectueux qu’il lui imposait.
    – Il se prend pour un dieu.
    – Hé oui, soupira Ogier d’Argouges. La haute idée qu’un homme sot peut se faire de lui-même est plus détestable encore, lorsqu’il s’agit d’un rustique tel que celui-ci, que le respect dont l’honore une foule de dévoyés comme celle où nous sommes. Ils se méprennent l’un sur l’autre.
    Guesclin leva les yeux au ciel et d’un grand geste parut épousseter les têtes de ses fidèles :
    – Si monseigneur Urbain Cinque ne nous dépêche point, ce jour d’hui, un…
    – Sub… Sub… stitut, suggéra le Bègue de Villaines, proche de Tristan.
    – Une ambassaderie ! rectifia le Breton, hargneux. Nous entrerons chez lui !
    La voix puissante, rocailleuse, poussée par le vent glacé qui jonchait le Rhône de vaguelettes frileuses, portait à coup sûr jusqu’aux extrémités de l’armée. Guesclin s’en grisa le temps d’une expiration avant que de reprendre sa harangue, satisfait de son éloquence fruste, de ses mouvements secs comme à la bataille, et sachant bien qu’au lieu-de trouver le chemin des cœurs, il excitait dans les esprits l’avidité du lucre et des jouissances aisées. La parénèse 254 du début devint débauche verbale :
    – … et nous aurons de l’or !… De l’or papal et

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