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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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hobereaux, parmi lesquels Tristan et son beau-père, leurs écuyers et soudoyers et enfin, à l’arrière, les cranequiniers, picquenaires, vougiers et quelques chariots dont des bâches préservaient le contenu.
    Dénia se laissa distancer pour s’entretenir avec le comte de la Marche de la reine Blanche, qu’il avait connue. Celui-ci versa un pleur à la mémoire de la malheureuse puis s’enquit de la générosité du Trastamare :
    – Vous comprenez, compère : le devoir est une chose…
    – L’or en est une autre, lança Guesclin d’une voix chantante. Nous ne saurions œuvrer pour ne recevoir lue des los 278 . Car si les Juifs sont riches dans tous les pays qu’ils souillent, ils le sont davantage chez-vous.
    – Vous ne songez qu’à les dépouiller, reprocha Dénia (et, dans sa langue natale :) Oh ! qué pequeha aballeria feciste 279 -!… Ne pensez pas, messires, que cette guerre sera aisée. Ne croyez pas nous en apprendre. L’Espagne se pique d’être impénétrable pour vous autres, gens de France. Elle en tire même une certaine fierté… quand elle ne se plaint pas de votre incompréhension ou de votre indifférence… Mais qui ne se sent pas heureux, parfois, d’être incompris ? Votre royaume si généreusement ouvert…
    –  À la crapule, murmura Ogier d’Argouges.
    – Si bon et si loyal dans ses instincts, si peu secret, en somme, est à vrai dire notre contraire. Au rebours de la France, nous sommes herméticos. Cette réserve hautaine, solide comme une muraille, nous l’avons sans doute héritée de l’Islam qui nous a envahis, mais aussi parce que nous sommes des finistériens, des gens du bout du monde. L’accueil de l’Aragon vous sera des plus agréable, celui de la Castille des plus revêche, mais…
    – Les gens du roi Pe-Pedro, dit le Bègue de Villaines, n’au-n’au-n’au… ront pas le temps d’être dé-dé-désagréables.
    – Ah ! Tiens, oui ! s’écria Guesclin. Vous allez voir, Dénia, ce que vous allez voir !
    Tristan s’étonna, une fois de plus, de l’espèce d’engouement lesté de certitude qui s’emparait des Français à l’idée de chasser le roi Pèdre d’un trône qu’il n’avait point usurpé. Cette vanité joyeuse procédait d’une magnifique ignorance des faits que le Trastamare reprochait à son demi-frère, et d’une outrecuidance insensée : celle de Crécy, Poitiers, la Roche-Derrien et d’autres batailles perdues. Avec l’obstination d’une foi en eux-mêmes aveugle et la certitude d’un bon droit qu’ils s’arrogeaient indûment, ils croyaient triompher du suzerain de Castille avec une aisance qui tiendrait du miracle. C’était tout juste s’ils ne le voyaient pas guerpir dès l’apparition des bannières de Guesclin et de Calveley.
    – Quel jour sommes-nous ? demanda le grand Anglais qui, après avoir traîné à l’arrière sur son cheval immense, venait de se placer auprès du comte de Dénia.
    – Mercredi 31 décembre. Demain, 1 er janvier, le roi Pierre vous offrira un régal.
    – Ah ! bien, que mangez-vous ?
    – Nous prenez-vous, messire Guesclin, pour des sauvages ?
    Tristan sourit, Calveley ricana. Dénia s’empressa d’ajouter :
    – Certains d’entre vous devront dormir sous la tienda… la tente… Les escuderos… les écuyers et les hommes d’armes. Mais tous seront du festin offert par mon suzerain.
    *
    On chemina sans plus parler. À senestre quelque chose apparaissait parfois entre des mamelons en friche : la mer aux miroitements incessants. Le nez levé, Ogier d’Argouges semblait flairer son odeur ou celle du vent qui l’avait effleurée. À dextre, c’était une plaine du bout de laquelle une montagne dressait son torse aux muscles verdâtres.
    – La Puntigalâ, dit un homme, à l’arrière.
    Un village fut salué par quelques éclats de trompettes ; des ovations retentirent au passage de tous ces hommes de fer et de leurs banderas. Bientôt, devant, les murailles de Barcelone apparurent, tantôt roses, tantôt prises, dominées par des clochers.
    – Eh bien, fit Calveley, nous aurons le choix pour prier.
    Tristan se demanda si l’hercule anglais priait souvent surtout s’il lui advenait de se confesser.
    – Oui, vous aurez le choix, dit le comte de Dénia, encore que nous ne nous attarderons pas en ville, j’espère que vos hommes d’armes se hâteront de nous joindre.
    Il avait haussé la voix pour qu’on l’entendît d’assez loin. Et cette voix

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