Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
non seulement absurde, mais criminel… J’espère que notre réputation assouplira le caractère de ces gens de Burgos que je n’aime pas. On ne peut aimer qui côtoie jour après jour des Juifs à plaisir… Tenez, j’en sens d’ici la pestilence !
    Tristan acquiesça par prudence. Que le Trastamare payât très cher sa couronne, elle serait toujours maculée d’un sang innocent.
    On repartit. Comme il se sentait en trop mauvaise compagnie auprès du Bègue de Villaines et d’Audrehem, Tristan chevaucha entre Calveley et don Tello sans désir de parler. Derrière, Paindorge, Shirton et les soudoyers suivaient, moroses. Parfois, Serrano chantonnait. Et comme le pays se plissait et s’encombrait de montagnettes, le trouvère ne put s’empêcher d’un commentaire :
    – Nous atteindrons bientôt le Monasterio de Rodilla. Moult montées et descentes pour passer de la vallée de l’Oca dans celle du Vena.
    On cheminait en bon arroi. Il semblait qu’Audrehem sût où il allait. Après qu’on eut chevauché quatre lieues, il tendit le bras vers des murailles :
    –  Un manoir… Ce sera notre dernière halte avant Burgos.
    C’était – vide – une immense demeure. Tandis que les prud’hommes s’inquiétaient des endroits où dormir, leurs écuyers cherchèrent en quels lieux placer les chevaux. Guesclin, le Trastamare et leurs hommes liges firent leur apparition peu après midi. Ils avaient abandonné l’armée à des capitaines sûrs. D’ailleurs, le pays étant désert, on ne pouvait ni riffler 375 ni embraser quoi que ce fut. Comme on allait manger et gobeloter, les vingt hommes de la députation annoncée par les deux cordeliers apparurent, à cheval. Ils trouvèrent le roi béatement assis au pied d’un arbre et, comme convenu, le plus âgé d’entre eux, quittant sa selle, lui présenta les respects de la cité de Burgos avec, dit-il « les honneurs dus à la majesté royale », ce qui fit se lever un Enrique vêtu de soie rouge et safranée, coiffé d’un chaperon dont la cornette en dents de scie semblait la housse de sa prochaine couronne.
    – Sire, affirma l’Ancien, tous les ponts-levis s’abaisseront devant la nouvelle bannière de Castille.
    Il s’était exprimé en français, sachant le roi entouré par des prud’hommes de France, particulièrement Bertrand Guesclin dont la réputation – mais de quelle espèce ? – l’avait précédé à Burgos et sans doute plus loin encore, depuis le franchissement des Pyrénées.
    Cessant de s’adresser particulièrement au roi, le vétéran se tourna vers les Anglais, les Aragonais et les Français dont, visiblement, il redoutait la malfaisance :
    – Seigneurs, dit-il, loué soit le nom du roi du Paradis ! Gardée soit la cité de Burgos ! Les barons, écuyers, bourgeois et bourgeoises, l’évêque, les chanoines et les gens des couvents, les Juifs et Sarrasins…
    – Holà ! Messire, coupa sèchement Guesclin, tu fourres tout dans le même sac !
    –  Laisse-le achever, Bertrand, intima Calveley.
    Le vieillard s’inclina et reprit d’une voix différente – l’onctuosité en avait disparu :
    – … vous mandent tous salut. Et la conclusion est telle que nous vous livrerons les clés de la cité. Nous vous y laisserons entrer. Nous nous rendrons aussi au bon roi Enrique ; nous l’appellerons roi et le couronnerons. Par convention dont nous sommes garants, il se maintiendra en Espagne comme un homme loyal, comme le roi Olivier qui fut fils de Léon.
    Le Trastamare se frotta les mains et, nonobstant ses vêtements de soie, on l’eût pu prendre pour un marchand concluant une bonne affaire :
    – Nous vous regracions et s’il plaît à Dieu, nous maintiendrons loyauté. Saluez de notre part les nobles et les bourgeois de Burgos. J’irai vélocement accomplir ces conventions.
    On but ; les messagers s’en retournèrent et quand ils furent loin, Enrique derechef frotta ses grandes mains :
    – Nous entrerons dans Burgos, messires, comme autant de couteaux dans un tas de saindoux !
    La nuit vint, froide et noire. On alluma des feux. Paindorge et les soudoyers allèrent ramasser des buissons et du bois mort tandis que Tristan et Serrano surveillaient les chevaux. Quand ils eurent mangé, le trouvère ajusta sa guiterne.
    – Chante-nous quelque chose de beau, dit Paindorge.
    – Quelque chose qui n’est pas de moi, messires…
    Après quelques apprêts, les cordes vibrèrent, et la voix vibra, elle

Weitere Kostenlose Bücher