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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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les visages troublèrent Tristan.
    – Vous, dit-il, je vous reconnais : vous étiez de la flote (567) de ce maudit Lionel… Toi, le barbu, c’est Eudes.
    – En vérité, messire.
    Tristan se tourna vers son écuyer :
    – Holà ! Robert, que nous as-tu ramené ? Je croyais que Bagerant les avait pris avec lui.
    Le plus jeune des trois s’approcha de ce chevalier qu’il avait vu occire son chef au terme d’un combat furieux et bref.
    – Messire, dit-il, ce Bagerant ne nous plaît pas. Je l’ai ouï parler à ce géant d’Anglesche. Ils ne demeureront point en Espagne longtemps. Le roi Édouard est dépité de la présence de Calveley et de ses Goddons parmi nous. Faut s’attendre à ce qu’ils s’en aillent. Nous avons décidé de demeurer auprès des gens de France.
    – Même s’ils se conduisent comme à Briviesca ?
    – Seul d’entre nous Lionel s’est plu à géhenner les Juifs…
    – Nous, dit Eudes, on est de Rechignac en Pierregord. C’est là que messire Argouges avait accompli ses enfances. Je l’ai bien connu… J’avais dans les dix-douze ans.
    – Pourquoi ne le lui as-tu pas dit ?
    – Lionel me l’avait interdit. Comme ce pauvre chevalier, si j’avais désobéi, j’aurais pris un carreau dans le dos.
    – Moi, reprit le plus jeune, je suis Raoul Petiton. Un nonnat.
    – Un nonnat 380  !
    – Oui, messire. Lors du siège de Rechignac, il y a vingt et un ans, ma mère qui me portait depuis neuf mois est morte, la tête écrasée par un rocher lancé d’une malevoisine 381 . C’est Ogier d’Argouges qui lui a ouvert le ventre pour m’en sortir… et je suis là.
    Tristan sentit sa colère et son deuil se dénouer :
    – Il fallait le lui dire !… Tu peux imaginer sa joie !
    – Je l’ai imaginée, je n’ai pas osé… Si Lionel m’avait surpris à parler au chevalier, pour sûr que je n’aurais pas fait de vieux os… D’autant plus qu’il connaissait le secret de cette naissance… C’était Mathilde…
    –  Ma mère, coupa Eudes.
    – … qui avait poussé messire Argouges à commettre cette…
    Ce fut au tour de Tristan d’interrompre Petiton :
    – Une bien belle et bonne action. Et toi, qu’as-tu à dire ?
    Il s’était tourné vers le troisième larron, un brun aux cheveux sauvages mais au regard d’agneau.
    – Moi, je suis Flourens, messire. Ma mère nous a nourris au même sein, Petiton et moi… Un temps, on nous a fait passer pour des jumeaux…
    – Nous prenez-vous ? dit Eudes.
    – Comment faire autrement ? Mon beau-père, vivant, vous eût tous acceptés. Je dois vous dire, cependant, que je n’ai point de fortune.
    – Bah ! fit Petiton, l’essentiel, c’est qu’on soit ensemble.
    – Je songe à m’en aller de cette guerre immonde.
    – Nous aussi, quand l’occasion nous en sera offerte.
    Ils s’étaient tout dit. Tristan songea mélancoliquement :
    « Me voilà fort entouré. Dieu a jugé que c’était nécessaire. Pourquoi ? »
    *
    À une demi-lieue des for-bourgs de Burgos, le Trastamare et son immense suite trouvèrent devant eux l’évêque de la cité, tout son clergé ainsi que les grands bourgeois et les édiles marchant processionnellement à leur rencontre.
    Une fois de plus, le roi sans couronne et ses compagnons immédiats descendirent de cheval. Une fois de plus, Enrique s’agenouilla pour remercier Dieu des grâc es dont il le comblait. Une fois de plus, il reçut la bénédiction d’un prélat endiamanté. Quelques mots dirent échangés qui n’avaient apparemment rien de sacré ni d’aimable, mais le roi, debout sur ses ergots de fer, porta sa dextre à son cœur et jura ce que l’on espérait qu’il jurât 382 . Les cloches de Burgos sonnèrent à lerle 383 . On remonta en selle et repartit vers les murailles tendues de bannières et de tapisseries.
    Une voûte absorba le nouveau suzerain. Ensuite, ce fut la ville aux maisons pavoisées, aux rues jonchées de fleurs, de rubans et de feuilles. Partout, entre deux ovations, l’air retentissait des plus beaux chants et des plus beaux accords d’instruments de musique. Parmi tant de tumulte et de magnificence, on entendait parfois le nom le Guesclin que couvraient des huées souvent défavorables.
    – Ce grand bobant 384 , cette magnificence puent le sang, dit Paindorge.
    Tristan acquiesça en silence et vit monter dans le ciel immense carapace d’une cathédrale dont les tours étaient absentes. Il songea qu’après Reims où

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