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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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aussi :
    Aqueste vino a la reyna
    Y lallo la en oracion
    Quando vio et ballestero
    La su triste muerte vio.
    –  Ah ! non, protesta Paindorge. On la connaît… Laissons cette malheureuse reine Blanche en paix. Pas vrai, messire ?
    Tristan se tourna vers le Serrano :
    – N’as-tu rien d’autre à nous proposer ?
    – Si, messire.
    Après avoir effleuré ses cordes, le trouvère entama :
    Dos besos, tengo en el aima
    Que no sé apartan de mi
    El ultimo de mi madré
    Y el primero que te di (566) …
    –  C’est triste, dit l’écuyer. Je ne sens pas des mots d’amour là-dedans.
    – Des mots d’amour ? Je peux vous en fournir un chapelet : brujito et flaquecito, monilito et loquito 376 .
    –  Nous n’avons pas besoin de mots d’amour, dit Tristan. Nous sommes la haine. Nous apportons et répandons la haine.
    – Il y a, messire, des chansons d’amour qui sont belles. Tenez :
    Tus ojos para soles Son muy pequehos ; Para estrella son grandes 377 …
    –  Laisse les étoiles dormir, dit Lemosquet.
    Tristan n’entendit point les derniers accords se fondre dans la nuit. Ils frémissaient en lui. Il se tourna vers Paindorge et son sentiment fut que Serrano lui avait mis, si peu exacte que fût cette expression en une telle occurrence, l’eau à la bouche.
    – Il suffit, dit-il, pour cette vesprée… Dans ta pre mière chanson, Serrano, il n’est pas question d’un Juif meurtrier ou de plusieurs.
    –  Ce ne sont pas des Juifs qui ont tué la reine. C’est un arbalétrier qui s’en est vanté.
    – Un arbalétrier… Dirais-tu son nom ?
    – Il est connu, messire : Juan Pérez de Rebolledo. Mais je doute que vous le preniez pour faire justice : il ne quitte pas le roi Pèdre.
    De son pied, Tristan repoussa un tison dont la tête noire se vermillonna dès son contact avec les braises d’un feu qui se mourait.
    – Cette justice ne nous appartient pas. C’est au comte de la Marche de se revancher du meurtre de sa cousine… ce qui ne l’empêchera pas, je le crains, de poursuivre de sa haine des centaines de Juifs innocents.
    Une ombre trapue se posa soudain au-dessus du feu et une voix assourdie par une rage épaisse, immodérée, s’enchaîna sur celle de Tristan comme pour étouffer cette innocence à laquelle il venait de faire allusion.
    – Il n’y a point de Juifs innocents, Castelreng !… Par le sang du Christ, s’il m’advient encore de te trouver en train de défendre ces porcs, je te jetterai mon gage à la face et nous nous battrons pour un Jugement de Dieu où tu perdras sûrement la vie !
    Tristan se leva et saisit si brusquement Guesclin au colletin qu’il ne put tirer sa dague :
    – Mets-toi bien cela dans le crâne, Breton. Tu as beau être en faveur auprès du roi Charles, j’y suis aussi… Sache que j’ai toujours exprimé mes idées et que la mort seule me fera taire. D’ici là, je continuerai de dire ce que je pense à mes amis, dont tu ne fais point partie, et nul ne peut m’en empêcher ni ne m’en empêchera… N’évoque pas tant le sang du Christ. Si Jésus te voit, crains sa colère. Car il est dit dans les Saints Livres que les boutefeux de ton espèce périront d’un feu intérieur qui les fera hurler quelque vaillants qu’ils soient… Sache-le : je serai à ton chevet, bien vivant, au-devant de toutes tes victimes. Car je te survivrai, j’en suis acertené… Tu n’auras pas de lion sous tes talons de fer 378 .
    L’ombre disparut sans que Tristan se fût aperçu qu’il l’avait lâchée.
    – C’est étrange, dit-il en se rasseyant. J’ai vu Guesclin allongé sur un lit, prêt à rendre son âme au diable plutôt qu’à Dieu. On l’avait enherbé…
    – Allons, messire, dit Paindorge. Avez-vous vu comme il est parti tout péteux ?… C’est peut-être difficile à croire, mais il a dû se voir, lui aussi, sur cette couche où vous l’avez mis. Ce païen qui ne sait rien de Dieu et ne saura jamais rien du repentir va être dévoré, maintenant, par autre chose que son ambition. Il aurait pu vous jeter son gantelet au visage. S’il s’en est abstenu, c’est qu’il vous sait présentement invincible.
    – Puisses-tu dire vrai, Robert, murmura Tristan.
    *
    À quatre lieues de Burgos, des coureurs que Guesclin avait envoyés en avant revinrent, réjouis, devant la Chevalerie du Trastamare :
    – Ils envoient une délégation à notre rencontre.
    – Les attendons-nous ? demanda le Petit-Meschin qui,

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