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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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n’ai point, messire, autant de certitude… Mais je veux essayer. Quand nous aurons quitté Burgos, priez pour eux et pour nous tous.
    Il s’inclina devant le vieillard. Son regard glissa du pichet à son gobelet et s’en détourna. Il avait assez bu. Demain, avant la cérémonie du sacre, il fallait qu’il parvînt à obtenir une brève audience du comte de la Marche. Seul à seul. Ce serait la première difficulté d’un sauvetage rien moins que déraisonnable. Pour qu’il réussît, l’astuce et la bonne chance vaudraient mieux, en ce pays foisonnant d’églises de toutes tailles, que les plus sincères déprécations.

II
     
     
     
    Jean I er de Bourbon, comte de la Marche, et Arnoul d’Audrehem avaient été logés dans un petit hôtel proche du palais de l’archevêché. De là, par un escalier, on accédait à une ruelle conduisant à la cathédrale. Inachevée, sans clochers (570) elle semblait un gros pâté de pierre blanche, ciselé, chatonné de quelques statues d’apôtres.
    – Plus vaste que Notre-Dame de Paris, commenta Tristan.
    Joachim Pastor, qui l’accompagnait afin qu’il ne pût s’égarer dans la cité aux mille rues et ruelles, fit un signe d’assentiment :
    – Quelques clercs de chez nous, qui sont allés à Paris, en disent tout autant. Le mariage de dona Blanca… l’autre Blanche de Castille, avec Louis VIII avait laissé présager une grande accointance entre nos pays. Il n’en est plus rien, même si vous venez aider un Espagnol à ravir la couronne de son demi-frère… Savez-vous combien don Henri a demandé pour prix de notre quiétude ?… Un million de maravédis… Avec ses airs bienveillants et courtois, il est pire que Pèdre. Je vous le dis : l’hypocrisie n’est point vertu royale. Les frais de ce mariage chrétien vont incomber aux Juifs. La magnificence ou, comme vous dites : le grand bobant, asséchera nos coffres… Il paraît que votre Guesclin est allé trouver la future reine et qu’il a fait risette à toutes les dames qui sont là, circonstant 395 .
    –  Le peuple que je vois ne paraît point rester devant la cathédrale…
    – Les gens se rendent au monastère de Las Huelgas où Enrique a tenu à être couronné.
    Des hommes, des femmes passaient, sinuant parmi des cavaliers, des litières où certaines grandes dames, parfois, se penchaient pour saluer quelque chevaleresse assise sur une sambue à l’arçon et au troussequin ornés de clous d’or ou d’argent. Les enfants criaient tout autant que les commères issues des bas quartiers de la cité. Toute cette foule semblait heureuse de converger vers un moutier qu’elle allait accabler de vacarme et de gesticulations sans rien distinguer de la cérémonie.
    Malgré la présence de Joachim Pastor, Tristan se sentait dans un isolement immense. Au fond de lui-même remuait la notion d’une sorte de culpabilité informe qui le conduirait à l’échec. Il allait se confier à son vieux compagnon lorsque celui-ci lui dit :
    – Tous vos grands hommes seront présents au sacre. Je puis dire que le Très-Haut et la bonne chance favorisent vos desseins… Tous les ricos hombres seront heureux : ils seront riches au-delà de leurs espérances. Les premiers actes de don Enrique, au château, ont été de menacer le Trésorier de don Pèdre de l’occire s’il n’ouvrait pas ses coffres devant lui. Il a puisé immédiatement dans la contribution extraordinaire qui nous fut imposée avant votre venue. Les chefs de route ont été soldés sur-le-champ. On dit qu’au festin qui suivra le couronnement, des titres de noblesse, des concessions les terres, des fiefs relevant de la Couronne seront distribués avec une libéralité sans égale.
    Tristan, agité par un bref sentiment d’humeur, imagina l’impatience des privilégiés.
    – Que le Breton à face de crapaud soit comte, duc et même au-dessus, peu me chaut ! Pour moi, il est déjà prince de sang !… Allons, éloignez-vous, messire : on nous observe. Heureusement, ce sont de belles dames qui vont au monastère sans intention de s’y faire nonnes 396  !
    *
    Il y avait un garde à l’entrée de l’hôtel : un guisarmier vêtu à la légère et dont la cotte de satanin bleu, semé le fleurs de lis, semblait encore humide d’une lessive nocturne.
    – Le comte est-il sorti ?
    – Non, messire, il s’apprête. Je vous laisse passer…
    J’ai vu comment vous avez traité cet arbalétrier, à Briviesca…
    Tristan

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