Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
de marz… C’était un sauf-conduit, un garant, une promotion.
    – Messires, dit-il en s’inclinant tout en glissant le parchemin plié sans l’encolure de son pourpoint, soyez assurés que je prendrai cet homme. Quand les liesses du sacre prendront fin, vous cheminerez vers Tolède, puisque don Pèdre doit y être encore et sans doute se prépare à nous résister. Je vous y attendrai, que j’aie ou non réussi.
    – Pourquoi ce dévouement ?
    La voix feutrée, douce et grave de Jean de Bourbon, révélait un émoi sincère. Tristan se recueillit puis, décidant qu’il se devait d’être honnête :
    – Messire, quand votre cousine est partie pour l ’Espagne, j’avais treize ans. À la fin du mois de décembre 52, elle a traver sé une partie de la Langue d’Oc dont le pays de mon enfance. Avec mon père, nous avons cheminé, mêlés à ses gens. J’ai parfois chevauché auprès de sa litière et parolé… Je lui ai tiré quelques sourires car elle était maussade affreusement…
    Tristan reprit son souffle, envahi d’un trouble qui pouvait ressembler à celui de Jean de Bourbon.
    – Nous l’avons hourdée 402 jusqu’au château de Puylaurens d’où nous ne sommes repartis que le lendemain… Et ce que je peux vous dire, c’est que votre cousine était bien belle… et que j’en fus épris comme un jouvenceau peut l’être d’une déesse…
    Tristan changea sa voix qu’il avait trouvée mièvre. Les fibres de son cœur cessaient de se crisper sur des souvenances qui parfois saignaient encore.
    –  L’annonce de son trépas m’a consterné. J’en ai haï subitement don Pèdre et ses satellites… Votre cousine a régné sur mon cœur et j’eusse aimé qu’elle régnât sur l’Espagne…
    Il ne louvoyait pas. Était-ce de la présomption ? Il si sentait capable d’accomplir tout ce qu’il avait décidé. Sitôt que Simon et Teresa seraient hors de danger, il chercherait l’arbalétrier régicide. Où qu’il fût, il le trouverait.
    Il fut soudain serré dans une étreinte ferme. Jean de Bourbon le baisa au front et sa voix tremblait, des larmes coulaient de ses yeux bouffis de fatigue et de veilles.
    – Vous êtes un preux, Castelreng. Je saurai m’en souvenir.
    Sitôt dehors, Tristan se sentit la gorge serrée et les prunelles humides. L’émoi et la crainte d’échouer se partageaient sa personne. En se frayant une voie dans la foule et les hommes d’armes, il revint chez Joachim Pastor.
    Le vieillard l’attendait en son logis, entre Simon et une espèce de jouvenceau pâle, éploré, aux vêtements un peu trop voyants : Teresa.
    – J’ai réussi, dit-il. Nous partons maintenant, mais avant, damoiselle, il convient de changer vos habits : nous n’avons point de prince avec nous. En outre, il faut vous rebaptiser… puisque vous avez changé de sexe. Avez-vous une préférence ?
    – Je n’en ai point, messire.
    Elle parlait un français convenable. Tristan sourit, réconforté.
    – Il vous faut, damoiselle, un prénom bien à nous… Tenez : Roland vous convient-il ? C’est simple et sonne clair…
    – Soit, messire… Et mon frère ?
    Si elle avait raison de s’inquiéter, Tristan la rassura aussitôt :
    –  Simon est un nom qui, chez nous, convient à tous. Il y eut un chrétien terrible, jadis : Simon de Montfort… Soyez sans inquiétude et partons sans tarder !
    Il se sentait soudain terriblement seul et n’osait affronter le regard de son hôte partagé entre l’affliction et la détresse. Teresa elle-même se détournait du vieillard dont elle éprouvait l’angoisse et l’incertitude. Elle allait s’en détacher pour toujours. Cet éloignement abrégerait une vie déjà quasiment achevée. Et c’était pourvoi, aussi, il convenait qu’elle s’en allât.
    – Hélas ! dit-elle, pourquoi…
    Ses mains se portèrent sur ses joues. Longtemps elle avait senti la caresse de ses longs cheveux. Son visage dont les couleurs s’étaient évaporées avait la sérénité du sommeil le plus paisible parce qu’elle fournissait des efforts épuisants pour qu’il en fût ainsi. Dans la mort elle n’eût point été plus célestement belle.
    – Nous réussirons, dit Tristan.
    Quelque affirmative qu’eût été sa voix, il s’était exprimé sans conviction, persuadé que la divine Providence hésitait encore à le couvrir de son aile. Il n’osa prononcer le nom de Dieu dans cette solennelle occasion, craignant que les jours à venir

Weitere Kostenlose Bücher