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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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sentit, en deçà du compliment inavoué, une admiration sans borne. Il y fut sensible : cet homme d’armes lui donnait du courage au moment même où il trouvait sa démarche dérisoire et son entreprise absurde.
    Il n’eut point un regard pour ce qui l’entourait. L’hôtel paraissait vide. Les flèches du soleil avivaient çà et là quelques boiseries. Le silence semblait celui d’une demeure abandonnée depuis des années. Un escalier devant ; il en gravit vingt marches.
    Les deux hauts personnages partageaient des chambres séparées par une longaigne 397 au fond de laquelle, derrière une porte composée de nombreux panneaux, on entendait quelqu’un « pousser ».
    « Ce doit être Audrehem », se dit Tristan, « il mange comme quatre. » Il donna de l’index contre l’ais d’une porte et reçut aussitôt l’invitation d’entrer.
    – Ah ! C’est vous, Castelreng. Quel bon vent vous amène ?
    Tristan s’inclina sans trop de cérémonie. Après tout, l’on était entre guerriers.
    – Messire, j’ai cru devoir requérir votre agrément pour un pourchas que vous ne pouvez entreprendre, puisque vous assisterez au couronnement de messire Enrique…
    – Un pourchas ?
    Tristan se détourna : Audrehem, ayant entendu les bribes d’une conversation qui s’engageait, s’était empressé d’y prendre part.
    – Oui, messires.
    Les deux compères sortaient du lit depuis peu. Le comte de la Marche était encore en chemise, et l’on eût dit, excepté la satisfaction qui, d’une oreille à l’autre, s’éployait sur son visage, un condamné prêt à affronter l’ échafaud. Audrehem était en bas et haut-de-chausses, les pieds nus. Un jambelet d’or gros comme une figue – il en avait d’ailleurs la forme – pendait sous son genou dextre. Il avait endossé un pourpoint d’écarlate paonnage 398 qui eût davantage convenu à un évêque et bombait déjà son ventre toujours affamé de bonne chère, si ce n’était de bonne chair. À sa ceinture cloutée d’argent pendait une tasse 399 de fines mailles doublée de velours. De temps en temps il la palpait comme s’il en supputait le poids et la valeur.
    – Dites, Castelreng. Dites…
    Si différents que ces deux hommes fussent de caractère, de naissance et de tempérament, la conviction qu’ils avaient tous deux d’être indispensables où qu’ils fussent, conférait à leurs physionomies, à leur hautaineté, à leur façon d’examiner leur visiteur une espèce de parenté. Chez Audrehem, la certitude de son importance atteignait au grandiose : la barbe et la moustache en jachère, il se composait un visage d’Hector, l’Achille, de Ménélas ou de Patrocle. Celui du comte le la Marche, un peu rouge après que le rasoir en eut récemment coupé les soies, reflétait, outre la simplesse l’esprit, une sorte de joie intérieure qui sans doute ressortissait aux différents plaisirs qu’il imaginait pour cette journée sacramentelle.
    – Messires, le meurtrier de la reine Blanche était hier encore à Burgos. Vous connaissez son nom, j’en suis acertené : Perez de Rebolledo.
    – Je n’en ignorais rien, dit le comte de la Marche.
    Il levait son menton fuyant plus qu’il n’était nécessaire afin de se donner un air auguste, dominateur ou distant. Avant Brignais, son père et son frère aîné avaient dû arborer cet air-là : mépris pour tout ce qui n’était point eux-mêmes, certitude de faire triompher leurs desseins et d’empoigner la gloire à bras-le-corps. Ils étaient morts assez piteusement, frappés par des hurons sans foi ni loi, astucieux, courageux et hardis maîtres de la victoire avant même que la bataille eût commencé.
    –  Si c’est pour m’annoncer le nom du meurtrier de ma cousine, Castelreng, autant vous dire que vous faites chou blanc.
    – Non, messire comte. Je suis venu vous dire que je puis l’attraper… avec votre permission.
    – Dites-m’en davantage.
    – Non, monseigneur.
    – Pourquoi ?
    – Parce que vous lâcheriez toute l’armée à la ressuite de Rebolledo et que ce grand remuement d’hommes mettrait de loin sa défiance en éveil… de sorte qu’il parviendrait à déjouer vos recherches.
    – Bien dit et bien pensé, fit Arnoul d’Audrehem.
    Il regarda les ongles de sa senestre, souffla dessus puis les frotta de son avant-bras dextre afin d’obtenir un brillant dont il ne fut satisfait que lorsqu’il l’eut examiné à la lueur d’une chandelle

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