Les fontaines de sang
Couronne l’obligeaient à se rendre auprès de sa fiancée.
Pèdre se résigna et partit pour Valladolid, laissant Maria au château de Montalvan 410 sous la garde d’un frère bâtard de la jeune femme : Juan Garcia de Villagera.
Le jeune roi arriva à Valladolid le 7 mai. Ses demi-frères Henri et Tello furent invités à ses noces. La crainte d’un traquenard leur fit lever une petite armée. Elle n’eut pas à combattre, Pèdre envoyant des ambassadeurs pour faire part aux « rebelles » de ses bonnes intentions 411 . Une réconciliation eut lieu et la célébration du mariage fut fixée au lundi 3 juin.
Quel que fût, selon Ayala, le charme de l’épousée, le roi y paraissait insensible et s’il la regardait – à peine -, il ne la voyait pas ou refusait de la voir telle qu’elle était. Les deux fiancés furent conduits à l’ancienne Iglesia May or qui allait devenir, agrandie, la cathédrale actuelle. Ils montaient l’un et l’autre des palefrois blancs et portaient des vêtements de brocart fourrés d’hermine.
L’ordre du cortège avait été réglé avec soin. Il importait, en l’occurrence, de prouver que toutes les discordes qui avaient ensanglanté la Castille étaient terminées. On pouvait voir côte à côte Henri de Trastamare, don Tello, Alburquerque, les infants d’Aragon et les ricos hombres qui, quelques semaines avant la cérémonie, s’étaient copieusement détestés. Alburquerque était le parrain du roi ; la reine douairière l’Aragon, dona Leonor, auprès de la mariée, faisait office de mère. Blanche avait choisi pour demoiselle d’honneur Marjarita de Lara, sœur de don Juan Nufiez, et elle avait pour écuyer le comte de Trastamare qui tenait la bride de son cheval (575) .
L’infant don Fernand conduisait le cheval de sa mère, dona Leonor, et son frère don Juan remplissait le même office auprès de la reine Marie. « Ainsi », note Mérimée, « dans ce cortège, le bâtard don Henri avait le pas sur les infants d’Aragon, honneur que quelques-uns trouvèrent excessif, et que l’autres n’attribuaient qu’à la sincérité d’une réconciliation entre les fils de don Alphonse 412 . »
Il y eut un tournoi, un combat de taureaux après la cérémonie religieuse. Ces liesses se renouvelèrent le lendemain. On put voir avec quelle froideur Pèdre considérait sa femme, « et l’on s’expliquait difficilement qu’un homme de son âge, ardent et voluptueux, se montrât insensible aux attraits de la princesse française. Plusieurs murmuraient tout bas qu’il avait été fasciné par Marie de Padilla et que ses yeux, charmés par un art magique, lui montraient un objet repoussant au lieu de la jeune beauté qu’il venait de conduire à l’autel ».
On a prétendu – et bien sûr, Dumas père fait partie du lot 413 – qu’un des ambassadeurs castillans chargés de demander la main de Blanche au roi de France avait été don Fadrique. Par désir de salissure, on raconta qu’il avait mis du temps pour venir de Paris à Valladolid et succombé aux séductions de Blanche. Le comte de la Roca, déjà cité, écrit dans El rey ion Pedro defendido : « Si l’infant don Fadrique fut un an et plus, comme on le prétend, à conduire la reine Blanche de France à Valladolid, cela prouve que les chemins étaient bien mauvais ou qu’ils ne prirent pas le meilleur. » Or, Fadrique resta en Espagne pendant toute l’année 1353 et à l’époque du mariage, il n’avait pas encore vu sa belle-sœur.
L’ensorceleuse
La vérité, c’est que la Padilla avait subjugué Pèdre. Le 5 juin, il sortit de Valladolid accompagné du frère de sa maîtresse, Diego, et de deux riches compagnons. Des relais avaient été préparés. Le roi coucha à Pajarès, près de Villacastin, à 16 lieues de Valladolid. Le lendemain, il trouvait à la Puebla de Montalvan, sur la rive droite du Tage, dona Maria venue à sa rencontre. Pour la revoir, il avait couvert 200 km en un jour et demi avec franchissement de la sierra de Gredos.
Maria de Padilla avait-elle ensorcelé le roi ? C’est une tradition populaire en Andalousie. L’auteur de la Première vie du Pape Innocent VI, Baluze, insiste sur un fait singulier : Blanche aurait été victime de la haine des Juifs dont elle aurait cherché à combattre l’influence auprès du roi, allant même jusqu’à lui de mander de les expulser du royaume. Cet argument ne tient pas : les deux époux n’échangèrent
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