Les fontaines de sang
aucun mot, à peine des regards. Baluze raconte aussi que Blanche avait fait présent à Pèdre d’une ceinture d’or. Aidée d’un sorcier juif, Maria de Padilla changea cette ceinture en serpent un jour que le roi l’avait ceinte. Toute la cour, paraît-il, vit la ceinture s’animer et siffler de sorte que la maîtresse de Pèdre put affirmer que Blanche était une magicienne qui voulait le faire mourir par sorcellerie (Baluze : Histoire des Papes d’Avignon, tome I, page 224, et Ayala : Cronica del Rey don Pedro, page 95). Dans plusieurs ouvrages contemporains de Blanche, la jeune femme est traitée comme une victime de la haine des Juifs.
Il est certain que Pèdre aimait follement la Padilla et cela peut-être un argument tout simple et suffisant. L’auteur de cet ouvrage a connu, dans sa jeunesse, à Briatexte (Tarn), une f amille dont la fille était « amourée » d’un garçon épris d’une autre. Tant l’amour de la jouvencelle était propre, sincère, et malheureusement tenace, tant celui du larron et de sa maîtresse offrait le spectacle d’une vulgarité sans remède. Les parents de la jeune fille l’adjurèrent de tourner ses regards vers d’autres jeunes gens du village. En vain. On maria donc le garçon frivole, mais fidèle… à sa maîtresse, à la vierge énamourée. Le soir du mariage, le repas de noces terminé, il s’en alla coucher chez sa maîtresse, revint au bercail le lendemain, recommença ainsi pendant de longues années et fit un enfant à sa compagne illégitime qui triompha dans le village !
L’épouse demanda la séparation puis le divorce. Elle les o btint très tard et termina sa vie complètement esseulée. On l’avait exhortée à « comprendre la situation », on la pla ignit puis on se désintéressa d’elle.
Ce ne fut pas le cas de Blanche. On ne l’avait pas prévenue. Peut-être fut-elle, peut-être est-elle la seule reine vierge l’une Histoire davantage peuplée de catins couronnées que les saintes et nobles souveraines.
Si encore la jeune reine de Castille avait pu s’enfuir ou demander le divorce ! Supplier ses parents de la venir chercher – ce qu’elle fit peut-être. Non : il fallait qu’elle eût un destin tragique.
Le roi infidèle
Peu après ses retrouvailles avec Maria, Pèdre songea qu’il fallait séparer Blanche de la reine Marie auprès de laquelle elle était demeurée depuis son arrivée en Castille. Après que le 16 août, à Ségovie, il eut fait célébrer le mariage de Tello, son demi-frère, avec dona Juana de Lara, l’héritière de la Biscaye, il prit des dispositions pour faire conduire Blanche de Medina del Campo à Arévalo. Traitée déjà comme une prisonnière, elle fut confiée à l’évêque de Ségovie.
Maria de Padilla perdit alors l’influence qu’elle exerçait sur Pèdre. Le roi tomba amoureux de dona Juana, fille de don Pedro de Castro et veuve de Diego de Haro. Il décida de fonder un couvent dont Maria serait la supérieure et épousa Juana à Cuellar, devant les évêques de Salamanque et d’Avila se moquant bien des réticences de son entourage et des accusations de bigamie émises par certains. Ce mariage, dans la première quinzaine d’avril 1354, fut troublé par les premières lettres d’Innocent VI qui commençait à s’inquiéter du sort de Blanche. Les noces avec Juana étant consommées, Pèdre la quitta le même jour pour ne plus la revoir (576) . Il venait d’apprendre, dit-il, l’entente des frères de son « épouse » avec son ancien favori : Alburquerque. Quelques jours après, le 19 avril, le Pape fulminait contre le roi de Castille et lançait un ordre de censure contre lui.
Henri de Trastamare se révolta. En se préparant pour une nouvelle guerre fratricide, Pèdre apprit que Maria de Padilla venait de le rendre père pour la seconde fois 414 . Ils se réconcilièrent et, peu après, le roi s’inquiéta du sort de Blanche. L’avait-on conduite à Arévalo ? Dans un lieu plus sûr encore ?
Le fait qu’on emmurât, en quelque sorte, une jeune beauté dans une demeure si austère souleva la protestation des Tolé-dans lorsqu’ils apprirent que Blanche allait passer dans leur cité et que l’homme chargé de veiller sur elle n’était autre que l’oncle de la Padilla : Juan de Hinestrosa, que Pèdre venait de nommer chambellan 415 .
Livrer Blanche à l’oncle de la favorite, c’était la condamner à mort. L’arrivée de la prisonnière à Tolède
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