Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
avait contractée avec Mathilde de Montaigny, dissoute par la mort de la dame avant même d’être annulée par le Pape, elle avait été entachée d’un vice qui ressortissait moins à la brièveté de la cérémonie qu’à l’empire de l’épousée sur sa personne. Pour échapper au bûcher, il avait dû s’unir à une Messaline.
    –  Je suis heureux, dit-il simplement.
    – Tu peux alors regracier 106 mon père… et me donner la main.
    Tristan se contenta d’un acquiescement et d’un « plus tard » dont Luciane s’accommoda volontiers. Elle n’avait point, à son égard, le culte du héros intégré dans une Chevalerie dont ils savaient l’un et l’autre qu’elle tombait en décrépitude par la faute même des prud’hommes qui la composaient. Contrairement à d’autres pucelles, elle n’avait jamais été mise à l’abri du réel. Ayant subi très tôt les rigueurs de la male chance, elle savait apprécier les bienfaits d’une existence sans orages. Dans une époque jonchée de périls, ils sauraient s’accorder et se protéger du malheur. Plutôt que de guerroyer, il œuvrerait à des tâches simples, voire ingrates dont il ne serait jamais rebuté. De par ses enfances rustiques, il était capable de tout accomplir à Gratot : il pourrait à lui seul se charger des semailles et suivre l’essor des grains jusqu’à leur moisson. Jamais il ne s’était senti aussi vigoureux, aussi disponible et aussi humble. Un loudier 107 , un terrien au lieu d’une espèce de preux inlassable. Sans doute, certains jours, éprouverait-il des regrets de sa condition, mais quel homme, quel chevalier n’était-il pas contraint, par les exigences de la vie, de dénaturer, le cœur parfois blessé, l’effigie de l’Avenir patiemment érigée lors de ses enfances primes et de son adolescence.
    Voyant le prêtre et le seigneur de Gratot marcher dans sa direction, il en conçut un soupçon de trouble.
    – Le père Béranger Gayssot… présenta Ogier d’Argouges.
    – Alors, dit le presbytérien, voilà le fiancé.
    Une dextre qui glisse et se libère : celle de Luciane. Il fallait courber le chef pour un assentiment et non pas par humilité. Il fallut supporter une main sur l’épaule après qu’elle eut été assenée comme un coup de battoir. Il fallut, ensuite, accepter un chapelet de compliments fades et sourire alors que ce Gayssot répandait hors de sa personne quelque chose de funèbre – et de puant.
    – Messire Argouges m’a rapporté tous vos mérites, mon fils. Sans même vous avoir vu, tandis que nous cheminions, je vous ai senti capable de mener une vie édifiante par l’amour de votre épouse et de Notre Seigneur… et même par la souffrance qui est aussi une façon de vivre ou plutôt de se sentir vivre. Messire Argouges a souffert de mille navrures. Il va les oublier en votre compagnie.
    Le prêtre s’était tourné vers Luciane. Elle baissait la tête avec une espèce d’humilité qui peut-être était feinte. Elle devait voir ainsi que cet homme de Dieu portait, au lieu des sandales ordi nairement chaussées sous la bure, des heuses de cuir cordouan garnies d’éperons d’argent.
    – Jamais, dit-elle, nous ne nous résignerons dans l’adversité. L’exemple de mon père nous tient à cœur.
    – Bien, mon enfant… J’ai trouvé dans notre Pays de Sapience des résignés qui se sont fait leur nid, leur patrimoine et leur fortune sur les ruines d’autrui et qui, craignant de recevoir des coups, s’efforcent de ne point trop remuer… Des usuriers… Des Juifs, faut-il le souligner, qui prospèrent sur les gravois des cités détruites par Édouard III et ses herpailles… La Normandie est déchirée, la Bretagne, d’où je viens, également. Qui sait ce que demain nous réserve… sauf évidemment l’Eternel. Mais nous le prierons, vous le prierez pour vaincre l’adversité… Autant que votre foi dans le Très-Haut, la certitude de triompher du malheur vous rendra la vie agréable. Vivre n’est rien sans Dieu. Sa présence en nos cœurs nous différencie des bêtes.
    Le religieux fit un signe de croix presque violent, de sorte que la génuflexion de Luciane parut en être la conséquence. Et les fiancés se retrouvèrent seuls.
    – Il est bien disant et il hait les Juifs.
    – Comme la plupart des gens d’Église. Mais as-tu vu son nez ? Ses oreilles ?
    Ils eussent pu se sentir soulagés d’être libres ; il n’en fut rien. Le prêche qu’ils

Weitere Kostenlose Bücher