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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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À quoi tu penses ?… À elle ?
    Il fallait mentir. Déjà.
    – Je me demandais quel genre d’homme est ce Gayssot. Je crois que s’il pouvait occire tous les Juifs de la terre, il le ferait sans barguigner !
    – Il a dormi dans la chambre qui nous est destinée.
    – Eh bien, m’amie, ce soir nous coucherons ailleurs. Il faudra ouvrir la fenêtre afin que l’air nettoie cette pièce.
    – Mais où dormirons-nous ?
    – Dans un lit d’herbes avec la lune pour chaleil (472) .
    Brusquement – et c’était plus fort que lui – Tristan se demanda quelle aurait été la conduite de Luciane si elle s’était trouvée plongée, comme Oriabel, dans l’impitoyable et répugnant univers des routiers. Il repoussa toute réponse et verrouilla son imagination. Il changeai d’existence. Le service de l’ost, les longues et périlleuses missions, les attachements occasionnels, tout cela, excepté certaines précieuses remembrances, devait se reléguer au plus profond de son esprit. Sans renier son état de chevalier, il fallait qu’il s’embourgeoise. Il allait devoir s’aguerrir à une vie des plus ordinaire. Il vit l’œil de Luciane pétiller.
    –  Soit, dit-elle, on aura un lit de fleurs et d’herbes… avec un baldaquin et des courtines décloses sur un ruisseau où nous pourrons nous tremper.
    – Tu es belle, dit-il tout bas.
    Il ne la jugeait pas, cependant, sur sa seule physionomie et se refusait à la comparer aux autres. Bien que ce fût en vain, il se plaisait à vouloir approfondir le mystère de tant d’équilibre dans les traits et leurs expressions. Il se plut à sonder brièvement ces prunelles d’un bleu rare qui, insensiblement, passait au mauve et dont de grands cils blonds assombrissaient l’éclat.
    – Belle ? s’étonna Luciane. Tu ne m’as jamais fait cette louange-là.
    – Je n’en trouvais pas le courage.
    Elle eût pu rire de ce qui, pourtant, révélait plus qu’un amour : une espèce de culte. Il n’en fut rien et il s’en trouva satisfait.
    – C’est un autre bonheur que tu m’accordes en me disant cela.
    Que se passait-il, maintenant, d’insaisissable dans son âme pour que cet émoi dont il ignorait les limites aboutît à l’épanouissement de ce regard et y fît passer des lueurs troublantes ?
    – Pourquoi, Tristan, me détailles-tu ainsi ?
    – Je délecte ma vue de ta magnificence.
    Le visage, ovale, exprimait une incrédulité presque enfantine. Les flots d’or des cheveux répandus de part et d’autre des épaules donnaient aux joues qu’ils ambraient une finesse, une sorte d’immatérialité qu’un baiser, une caresse eût préjudiciée à l’instant même. Le front haut attestait que l’imagination, dessous, rehaussait l’intelligence. Le nez petit, la bouche un peu large, rouge, les dents perlières révélaient, en un seul sourire, un tempérament prompt à s’exciter dans la gaieté comme dans la peine. Il savait – depuis longtemps -Luciane faite aussi bien pour le recueillement que pour l’action légère ou violente s’il advenait qu’elle y fût obligée. En ce jour important de sa vie, elle lui faisait l’effet d’une divinité champêtre que son créateur, de loin en loin, effleurait d’un regard apparemment distrait.
    – Adèle de Champsecret…
    – … semble n’avoir plus guère de secrets pour messire Ogier d’Argouges.
    – Dois-je te confier que je m’en trouve mieux ? Je vais, Tristan, t’appartenir davantage.
    Ils échangèrent un clin d’œil. Leurs mains se saisirent l’une l’autre sous la table.
    *
    Paindorge et Tiercelet veillaient au pont-levis. Sans un mot – à quoi bon, ils avaient tant parlé – les mariés s’enfoncèrent dans l’ombre.
    – C’est toi qui leur as dit de s’aposter ainsi ?
    Luciane frissonna sous le bras serré contre sa taille.
    – Oui… Cette nuit est aussi propice à occire des bonnes gens comme nous que des bêtes. Les Navarrais, avertis par celui que j’ai épargné, peuvent avoir envie de se revancher… Paindorge et le brèche-dent nous entendraient crier si nous étions menacés. Ils resteront jusqu’à notre retour.
    – Ils penseront à nous.
    Luciane insinuait : « à ce que nous allons faire » tandis que le gravier crissait à peine sous ses pas de feutre.
    « Ils ont repris leur aguet », songea Tristan. « Ils vont, effectivement, nous imaginer accordés et désaccordés.
    Tel que je le connais, Tiercelet n’osera le moindre

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