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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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humides s’il avait assisté au service funèbre de son enfant.
    –  Entrons, dit le prêtre. C’est le moment de vous recueillir et de songer aux devoirs qui vous incombent.
    Son homélie sur la fidélité lui avait-elle été suggérée par le père de la mariée ? Tout en l’écoutant, le regard empêtré dans la plombure des vitraux, Tristan songea qu’il aurait pu en concevoir du désagrément, or, il était égayé. Ogier d’Argouges avait-il été d’une intégrité parfaite en amour ? Il en douta tandis que le prêtre à l’étroit dans ses habits sacerdotaux élevait sa voix grave, vibrante comme les palpitations d’une corde après l’expulsion de la sagette. Sans doute voulait-il que cette voix eût des accents pathétiques ; elle n’était que déclamatoire, capable, si elle sévissait longtemps, d’enlever à l’assistance tout entière cette volupté du cœur que messire Gayssot trouvait supérieure à une autre.
    « Y as-tu donc goûté ? » se demanda Tristan. « À suivre tes regards, moi, je le crois sans peine. »
    À force de se répercuter sur les murs, la voûte et les voussoirs peuplés de saints, la parénèse devenait hargneuse. Lorsqu’elle s’acheva, Tristan ne put retenir un soupir, obtenant un sourire complice de Luciane pâle, attentive, et dont la mélancolie légère, en harmonie avec sa robe de taffetas lilial, plutôt que de s’évaporer, s’obscurcit lors de l’échange des anneaux – un présent de Thierry – et des paroles sacramentelles assaisonnées de latin.
    – Je te prends pour épouse.
    – Je te prends pour époux.
    Ils n’avaient pas senti jusque-là, derrière eux, la présence des dames, de Thierry, Tiercelet et Paindorge. Lorsqu’ils se retournèrent pour quitter l’autel, il leur fallut répondre aux congratulations, aux accolades, et s’émouvoir des larmes de Guillemette que son état de viduité rendait plus sensible à un rite qui n’avait guère ému le marié.
    La table avait été dressée dans la cour, là où l’ombre demeurerait jusqu’au soir. Comme les convives pre naient place, Béranger Gayssot sortit de l’écurie sur sa mule, fit un grand geste et s’éloigna sans mot dire par la porte charretière.
    – À quelle espèce d’homme appartient-il ? demanda la blonde Ermeline dont l’enfant dormait dans un berceau, sur le perron du grand logis.
    – Celle des saints, ricana Thierry.
    Ogier d’Argouges sourit. Tristan se sentit soulagé.
    – Ce n’est pas, mon gendre, une connivence entre ce Gayssot et moi qui a mené celui-ci à Gratot, mais une exigence de l’évêque. Votre marieur veut suivre les hommes d’armes, partager leurs aventures…
    – Quelles sortes d’aventures ? Ses regards convoiteux me faisaient froid dans le dos, confessa la dame de Champsecret.
    – À moi aussi ! dit Guillemette. Voilà un mâle auquel je n’aimerais point me confesser… Il a… comment dire ?
    – L’aspergés 110 diabolique… suggéra Tiercelet.
    On rit. Tristan se pencha vers Luciane occupée à tendre son écuelle afin d’être pourvue, par Guillemette, d’une louchée de bouilleux 111  :
    – Vas-tu mieux maintenant que ce prêtre est parti ?
    – Je le veux oublier. Il m’a paru plus apte à hanter les bordeaux que les églises.
    – Les quoi  ? interrogea Paindorge.
    – Les bordeaux, dit Tiercelet approuvé d’un sourire par la mariée.
    Elle avait repris des couleurs et recouvré cette doucereuse assurance que Tristan lui avait connue avant la cérémonie. Il l’admira dans sa robe plus blanche encore sous les ombrages des murs et des maigres arbres qui marquaient l’emplacement de deux tombes anciennes. La simplicité de cet atour – œuvre secrète de Guillemette – complété d’une huve qui laissait ondoyer sa chevelure d’or, s’accordait à son caractère.
    – As-tu vu comment ce presbytérien nous dévêtait du regard ?
    – Certes.
    Oriabel, elle aussi, avait été dénudée imaginairement par la truanderie de Brignais. Sa robe de mariée avait appartenu à une noble captive. Le repas qui avait suivi l’odieuse cérémonie n’avait été qu’une succession d’abjections. L’air était empli de quelque chose de putride. Il avait…
    Une main prenait la sienne. Douce. Il en sentait à peine la pression et la chaleur sur ses doigts, et le bouilleux dont sa gorge était pleine, chaud et onctueux, avait une amertume incompatible avec sa chaude couleur ambrée.
    – 

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