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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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venaient d’entendre avait corrompu leur bien-être. Au dîner et au souper, ils se sentirent sous surveillance. La nuque appuyée au roquillard de son siège, le prêtre leur jetait des regards dévorants – destinés surtout à Luciane – quand il ne les détournait pas vers Ermeline, Adèle, Béatrix, Marie et Guillemette.
    – D’où sort-il ? demanda Tristan à la vesprée alors que, Luciane à son bras, il s’engageait sur la jetée pour aller, de l’autre côté de la douve, profiter de la fraîcheur des arbres.
    – Père dit que c’est un bâtard de Robert Busquet, qui fut bailli du Cotentin (470) . Il lui a été recommandé par l’évêque : Louis d’Erquery 108 .
    – Où ton père l’a-t-il connu ?
    – Je ne sais. Tout ce que j’ai appris, par Thierry, c’est qu’il doit à Jacques de Guéhebert, qui fut chanoine de Coutances 109 , une élévation…
    – Une ascension, veux-tu dire ! Elle me semble pareille à une échelade contre la muraille d’un châtelet… ou d’une cathédrale.
    – Il semble te déplaire autant qu’il me déplaît.
    – L’essentiel est qu’il nous marie.
    *
    La cérémonie commença le lendemain matin sur le seuil de l’église extérieure à la forteresse. Alors que les mariés, bras dessus, bras dessous, s’apprêtaient à entrer dans le saint lieu, le prêtre les immobilisa de ses bras écartés :
    – Vous ne franchirez ce seuil qu’après avoir exprimé votre libre consentement, en présence des témoins, à haute et intelligible voix, publiquement, clairement.
    – Je consens, dit Luciane.
    – Je consens, dit Tristan moins fermement que sa fiancée.
    Il trouvait, en effet, cette coutume absurde : s’ils étaient entrés, leur mutuel consentement devant la Croix n’eût-il pas été plus solennel ?
    Avant qu’il eût fait un pas, Ogier d’Argouges le saisit par le coude :
    – Venez.
    Et lorsqu’ils furent à l’écart de la gent de Gratot :
    – Me suis-je mépris ? Je vous ai dit sans dot à ce presbytérien.
    – C’est presque vrai.
    – Le douaire est notre loi.
    – Je sais : c’est le droit assuré à l’épouse de jouir, après la mort de son mari, d’une partie des biens qui, le jour du mariage, étaient la propriété de celui-ci. Or, je n’ai rien. Je ne demande rien. Luciane ne me demande rien. Je pense à elle en tant que compagne et c’est tout. Gratot, qui lui appartiendra, m’apparaît comme un havre paisible dont je n’ai point envie qu’il m’appartienne. Quant à Castelreng, j’y ai, vous le savez, un demi-frère très jeune que je ne connais pas. Nous ne sommes ni Luciane ni moi des chercheurs d’hoirie (471) .
    –  Certes, mais il faut que vous le sachiez : si je meurs, j’ai fait en sorte que Gratot vous revienne. C’est sa seule façon de vivre… autant, évidemment, que des pierres puissent vivre.
    – Vivre peut-être pas, mais exister , messire. Je vous sais bon gré du bienfait dont vous m’honorez. Or, je suis chevalier. Le roi autant que Dieu gouverne ma personne… Je puis mourir jeune de par la volonté de l’un ou de l’autre…
    – Je sais. Je sais aussi qu’il n’y a pas d’empêchement canonique à votre mariage avec ma fille. Vous êtes libre, vous avez l’âge et n’êtes point parents. Les publications ont été faites à Coutances.
    – Ah ? fit Tristan contrarié de n’en avoir rien su.
    –  Je voulais…
    – M’ébahir ? Vous avez réussi. Je vous avoue que je n’avais point songé à toutes ces choses.
    – M’en voulez-vous ?
    « Tu m’as forcé la main », songea Tristan tandis qu’il découvrait, au-delà de l’épaule d’Ogier d’Argouges, Luciane qui s’impatientait sous le regard enveloppant du prêtre.
    – Comment pourrais-je vous en vouloir ? Je veux que nous soyons unis, votre fille et moi, sous d’heureux auspices.
    – Je me suis chargé de tout. Les bans ont été proclamés trois fois lors des offices à Notre-Dame de Coutances. Personne ne s’est opposé à votre union. Les témoins qui sont de Gratot me paraissent en suffisance et je sais que vous n’en récuserez aucun… Venez.
    Dix pas et le porche ombreux les accueillit. Prompte et comme agréablement résignée, Luciane saisit son fiancé par le pli du coude. Il tapota la main appuyée sur son bras. Il se voulait doux, rassurant, et doutait d’y parvenir. Près de lui, Ogier d’Argouges avait un visage de pierre. Ses yeux n’eussent guère été plus

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