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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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commentaire. Je sais de quel fantôme il aura souvenance. Hélas ! Je le comprends. À lui de me comprendre. Je n’ai rien d’un presbytérien. Luciane est belle. Et plus encore cette nuit dans sa robe dont le vent semble avoir scrupule à déployer les plis larges et longs… Est-elle vraiment, comme Thierry me l’a dit et comme toutes les filles issues des barons de Gratot, une descendante de Mélusine ? Est-ce possible ?… Elle n’a rien d’une fée. Elle est bien vivante, bien charnelle. Un beau fruit de l’amour et non de la légende 112  ! »
    Sous les poutres du tinel, le souper s’était prolongé tard. Ermeline dont l’enfant dormait près de l’âtre éteint, avait pris congé la première. Béatrix et Marie l’avaient suivie de près. Seule Adèle de Champsecret avait résisté au sommeil sous prétexte d’aider Guillemette à desservir. Ce n’était pas la vraie raison. Elle s’en était allée quand Thierry et son beau-frère avaient quitté leur siège.
    – Peut-être dorment-ils tous maintenant.
    – Qui peut savoir, Tristan, dit lentement Luciane. La nuit est belle et chaude. Je n’aurais pu en souhaiter de meilleure. Pas toi ?
    – Belle et chaude comme toi…
    Dans son nid d’eau et de feuilles qu’un brouillard enveloppait de sa langueur, Gratot semblait assoupi. Cette brume ondulait et se lacérait sur le faîte des arbres dont un souffle, parfois, ressuscitait les frondaisons mortes. Pâle et cornue, la lune brillait tandis que les étoiles abandonnaient un ciel où l’aube encore lointaine aventurait sa nacre.
    – Où allons-nous ?
    – Suis-moi… Dans un champ tout là-bas.
    Luciane dénoua une étreinte serrée. Tristan se sentit attrapé par la main et tiré avec une exigence à laquelle il n’était point accoutumé. Les longs pans de la robe aux contours indécis courbèrent les herbes d’un grand pré où jadis les seigneurs du Co tentin s’étaient affrontés en de nombreux pardons d’armes lors desquels les ancêtres de Luciane s’étaient illustrés.
    – Viens, dit-elle, derechef. La lune nous épie.
    Ses cheveux blonds flottaient comme une bannerole, et ses yeux scintillaient, humides d’un émoi que Tristan cherchait à concevoir. Il voulut s’arrêter, la prendre dans ses bras, mais elle refusa d’un « Non, non. Pas encore ». Il la suivit vers ses secrets, devinant autour d’eux la nature attentive avec son haleine à senteur de mer, ses présences fugitives, ses grandes ombres chevelues en haut desquelles quelque hibou guettait sa pitance nocturne. Parfois, un reflet glissait sur une feuille, une fleur, une tonsure bombée sous laquelle œuvrait une taupe. Aux froissements de la robe tantôt blanche tantôt grise s’ajoutaient ceux des bêtes apeurées. Un grillon crissa peu après leur passage. Et il y eut, bref, un silence, comme si quelqu’un – Mélusine ? – l’avait exigé. Tristan n’eût guère été ébahi d’entrevoir son fantôme. Il avait l’impression d’être manœuvré, mais s’il fallait qu’il se soumît ainsi pour que Luciane fût heureuse, eh bien, il consentait à cette obédience. Il acceptait de sentir parfois, perfide et inopinée, quelque ronce à fleur de terre s’agriffer à ses heuses et des gafirots 113 comme on les appelait en langue d’oc, s’accrocher à ses genoux et au-dessus.
    – Est-ce là ? Nous sommes rendus ?
    – Patience… Je venais ici lorsque je t’attendais… J’avais besoin, de croire en ton retour… Il fallait que tu reviennes pour que je me sache pardonnée…
    Luciane l’entraîna vers l’extrémité de l’ancienne lice, dans un lieu semblait-il connu d’elle seule où elle avait aimé à se reclure pour se délecter, nue peut-être, de la connivence des chênes et des buissons et de leurs bruissements accouplés à ceux d’un ruisseau invisible.
    –  Viens plus profond… L’eau qu’on entend, c’est celle de la Siame…
    Elle le précédait de quelques foulées dans des ténèbres familières, et ce fut alors que les arbres, autour d’eux, la vêtirent de sombre pour la mieux protéger d’un regard dévorant.
    – Va moins vélocement. J’ai trébuché sur une racine.
    Un rire pointu, hardi, ardent. Les feuillages en frémirent. Il devait y avoir des buis et des fougères : leur senteur était lourde, ondoyante, charnelle, et Luciane immobile semblait s’en griser.
    – Sommes-nous rendus ?
    – Nous voilà proches du talus qui contournait

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