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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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visage, c’était pour y découvrir l’attente et la langueur. Son rayonnement éclairait la couche végétale autant que l’eussent fait les lueurs du matin, et quand il accomplit l’ultime poussée, elle gémit et le ceignit de ses bras avec cette vigueur dont elle avait fait preuve, un jour, dans un chemin face à des Navarrais.
    Ils ne vivaient que le présent ; ils galopaient ensemble sur un chemin différent, nu comme eux, et qui semblait sans fin. Ils appariaient leurs soupirs, leurs bouches, leurs élans. Tout, autour d’eux, semblait inexister. Ils se noyaient, surnageaient, s’enfonçaient encore, avides, au seuil d’une agonie, d’atteindre cette mort béate que Tristan avait connue…
    Il ne put empêcher l’image d’Oriabel d’entrer dans sa mémoire et de fendre son cœur. Un flot tumultueux de remords, de tendresse et de pitié l’envahit. Il aurait tant voulu ne penser qu’à Luciane, joindre sa ferveur à la sienne, mêler son plaisir au sien autant qu’il mêlait son corps à son corps afin qu’elle connût la plénitude, la perfection du bonheur d’être aimée.
    Avait-elle suffoqué ? Était-ce un sanglot ?… Il fallait qu’il éloignât l’absente de ses pensées, qu’il l’exilât de sa vie ; qu’il guérît de cette souvenance afin d’être tout entier à Luciane. Corps et âme. Par instants, il voyait la lueur de ses yeux s’animer d’un feu, d’une flamme et s’éteindre pour mieux reflamber. La violence de son désir tempérée par la peur de lui faire mal et froidie par l’autre visage, l’autre corps, les autres sensations mortes mais diffusément ressuscitées dans ses chairs, se sublima en tendresse.
    Le souffle de Luciane dans son oreille, léger comme celui d’une endormie, se multipliait. Il sentit de toutes ses fibres qu’elle s’envahissait de la délectation suprême, que ses espérances atteignaient une pente qu’elle voulait monter, descendre, monter encore à coups de reins émerveillés.
    Il était désormais seul avec elle, animé de ferveur et de sagacité. Patient et languissant. Ceinturé plus fort jusqu’aux ultimes frissons d’une félicité conquise à grands ahans et plaintes essoufflées.
    Sous le dais incandescent du ciel, ils se désaccordèrent, se délièrent, soupirèrent si fort qu’ils s’ébaudirent. Il leur sembla que le soleil vermeil jetait sur leur lit une clarté glacée. Ils se renouèrent.
    – Regarde, là-haut : une colombe aussi frileuse que moi.
    Il ne répondit pas, écoutant battre son cœur, regardant ces seins qui devaient porter quelques traces impures, écoutant l’éternelle psalmodie du vent de mer plus alerte, plus gaie à ce qu’il lui semblait. Le passé sans doute exorcisé, jamais il ne s’était senti aussi pleinement créé pour l’amour, pour le donner et le recevoir, pour s’en repaître et le transmuter en liesse.
    – Tu es belle, dit-il quand Luciane, frémissante encore de son enchantement, se leva pour se vêtir. Tu te couvres et je t’ai… découverte.
    Il la découvrirait et la couvrirait encore dans l’indiscrète lueur des chandelles.
    Ils revinrent à Gratot la main dans la main en s’étonnant que leur gaieté se fût comme évaporée. Parfois, ils s’arrêtaient pour un baiser ; parfois, ils chantaient quelques bribes d’un lai qu’ils connaissaient à peine. Un moment, Luciane chantonna un fredon 117 appris en Angleterre :
    Tappster, fyll another ale
    Dryngker , anonn have y do
    God sende us good sale
    Avale the stake, avale
    –  Ce qui veut dire ?
    –  Garçon, verse une autre cervoise. De suite, monseigneur… Que Dieu nous apporte la joie ! Mets un autre tonneau en perce.
    « La joie… En perce… » songea-t-il.
    Elle avait gémi. Donc elle était vierge. Et même si elle ne l’était plus lorsqu’il l’avait connue, même si un Goddon l’avait déflorée de gré ou de force, qu’importait : elle l’aimait. Elle posa sa tête sur cette épaule d’homme qu’elle avait mordillée parfois – il s’en souvenait aussi – avant qu’elle ne fût tout entière consumée de plaisir.
    – Cela t’a-t-il démangé de me revoir après notre querelle ?
    – Comme du poil à Gratot, ma belle Mélusine.
    Ils atteignirent la douve qu’ils contournèrent. Entre ses garde-corps, la jetée scintillait de tous ses graviers.
    – Regarde… On dirait que des milliers de limaçons y ont laissé leurs traces.
    Tristan acquiesça de la tête et se demanda

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