Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
l’ancienne lice. C’est là que les seigneurs dressaient leurs pavillons. Un peu plus loin se trouvaient les hagues 114 des destriers. En piétant vers le château – moins de vingt pas -, on était devant les estaquettes 115 . Il nous faudra, quand la paix reviendra, recommencer ces liesses. Père m’en a parlé : il veut te voir jouter et te savoir heureux.
    Des arbres encore. Des bouleaux aux membres blancs formaient entre leurs colonnes un seuil étroit que Luciane franchit en habituée. Entre les mailles des feuillages légers, Tristan vit une sorte de clairière ceinte de houx et de fusains en friche dont les écailles nacrées simulaient des sortes de broignes et de cottes rustrées. Au mitan de cet espace aussi grand qu’une chambre, des aigremoines et des sermontaises mêlées formaient un lit d’écume glauque, presque transparent, refuge d’une nymphe qui peut-être parfois, en l’attendant, avait espéré la venue de la fée bienfaisante, sans souci qu’elle fût moitié femme et moitié serpent…
    Luciane releva sa robe et s’assit lentement. Tristan ne vit plus que son visage et ses mains, l’étoffe de son vêtement se confondant avec le tissu d’herbes où s’allongeait son ombre avant son corps. L’albâtre de ses jambes apparut, touché près des genoux d’un soupçon de lumière.
    Tristan n’osait accomplir un mouvement. Il se sentait visité d’une sorte de sagesse ou d’angoisse. Qu’il prît son temps… Quand bien même il voulût satisfaire Luciane au-delà de ses espérances, il se pouvait qu’il la déçût.
    – As-tu conquis des filles ainsi, dans des bocailles ?
    – Non.
    Il mentait. C’était ainsi qu’il avait conquis Aliénor. Conquis ? C’était plutôt cette gaupe qui l’avait subjugué avant qu’elle ne jetât ses rets sur Thoumelin de Castelreng… Une étreinte éperdue dans les feuilles d’automne alors que la terre humide, mais comme enfiévrée sous leurs corps, exhalait ses premiers brouillards. Ils avaient récidivé jusqu’à l’été. Désormais, il n’avait d’Aliénor que le souci de lui faire payer la mort d’Oriabel… Bon sang ! Pourquoi y songeait-il…
    – J’ai pensé qu’une nuit nous viendrions céans.
    Semblable à la fille du lanternier de Mirepoix devenue baronne de Castelreng, Luciane préférait la chaude intimité sylvestre à la pénombre d’une chambre.
    – Les filles… dit-il. Je n’en ai pas connu autant que tu l’imagines.
    – Je te crois. N’ajoute rien.
    Un cerf brama dans la brande, du côté de Bricqueville ou d’Agon.
    –  Ce n’est pourtant pas la muse (473) dit Luciane, attentive.
    « Pour nous, si », songea Tristan.
    – Ce doit être l’estelaire 116 du boucher de Saint-Malo-de-la-Lande.
    Elle s’exprimait avec une hâte singulière alors que pour lui, les mots ne signifiaient plus rien. Il voulait la toucher, l’atteindre et l’émouvoir autrement que par des paroles.
    Il s’agenouilla devant elle. Il la distinguait mal, sauf les perles noires de ses yeux dans l’écrin pâle et cillant des paupières. Il sentait son haleine égarée sur son visage et frissonnait sans oser toucher ses lèvres des siennes. En fait, il la connaissait à peine, et s’il avait parfois effleuré sa poitrine, c’était sans illusion de la connaître mieux.
    Il lui offrit ses mains qu’elle saisit avec une violence méconnaissable et dont elle baisa les paumes, les revers avec une dévotion inattendue. Cette précoce ardeur aiguisa la sienne quand elle lui mordilla les doigts.
    – Holà ! dit-il d’une voix dont il étouffait péniblement les vibrations, ne les mange pas ! Il me les faut pour te connaître tout entière.
    Lente, prudente, la volupté serpentait en lui. Il sentait son dos fondre et ses chairs s’affermir. Des courants s’affrontaient : serrer Luciane dans ses bras sur sa jonchée d’herbes profondes ou attendre un nouveau mouvement de sa part afin de confirmer, par cette prudence extrême, qu’il avait effectivement connu peu de femmes et qu’il manquait d’imagination.
    Il se leva et défit sa ceinture à laquelle ne pesait aucune arme. Luciane se dressa aussitôt devant lui. Il entrevit sa chair dans l’encolure élargie de sa robe. Il en agrandit le passage, mit sa dextre sur un sein dont la rondeur accueillit sa caresse, en approcha ses lèvres et sentit son bouton éclore et se durcir.
    –  Mets-moi nue, dit-elle bouche à bouche.
    Il refusa d’un mouvement de

Weitere Kostenlose Bücher