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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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tête et se mit à se dénuder en se demandant si elle l’observait.
    – Soit, dit-elle d’une voix qui semblait empruntée au frémissement des feuilles.
    Elle lui tournait le dos, sans doute, et se demandait s’il l’observait, ce à quoi il se refusait sans se fournir de raison – à moins qu’il en existât une dans cet immense nid dont il subissait l’ascendant : la voir soudain éclore et s’en éblouir au même instant la vue et les sens. Les froissements de la robe, déjà, n’étaient autres qu’une mélodie qui le pénétrait, le captivait en s’insinuant peu à peu au tréfonds de lui-même.
    Leurs corps vêtus de nuit se révélèrent en même temps, et pour se protéger des atteintes d’une brise pourtant tiède, Luciane hésita, confuse, à reprendre sa robe et à s’en protéger.
    – J’ai froid, murmura-t-elle. Je suis le truchement, ce soir, de Mélusine.
    Le pensait-elle vraiment ?
    – Je suis ton touchement…
    Il baisa lentement une bouche indécise, scellant un accord qui lui paraissait aussi fragile qu’un rêve.
    – Tu es ma fée…
    Sa gorge se nouait. Il la voyait nacrée comme une perle enchatonnée de ténèbres. Elle tendit vers lui ses mains qui ne savaient rien peut-être, ses mains innocentes, et fut soudain contre lui, humble, naïve, vierge amenée toute confuse à une fête qu’elle avait sans doute imaginée cent fois et dont elle redoutait les prémices. Elle se serrait contre lui, s’éloignait, savait qu’il était prêt à la prendre tandis qu’il effleurait d’un doigt léger son front clair, ses paupières mi-closes sur des lueurs qui semblaient dérobées à la lune. Jamais leurs regards ne s’étaient abîmés dans une si longue contemplation.
    « Je l’aime et j’en doutais. Serais-je enfin guéri ? »
    Il était incapable de dire un mot, de faire un autre mouvement que d’appuyer plus fort ce corps contre le sien pour en sentir les courbes et les vallonnements et comprendre que la révélation qu’ils attendaient l’un et l’autre commençait à enrichir leurs cœurs.
    –  Tu es bien trop charnelle pour descendre de Mélusine.
    – Eh bien, descends, toi !
    D’un croc-en-jambe, elle le fit choir sur le sol et se précipita sur lui, soupirante et rieuse dans sa nudité d’ivoire dont il sentit le mince écu de mousse blonde se frotter contre sa cuisse.
    Elle inversait les rôles : elle le terrassait. Sa bouche riait, brillait de l’éclat des coquilles qui jonchaient le rivage de mer, cette mer d’un gris d’acier quel que fût l’état du ciel.
    Il bascula Luciane. Elle s’échoua comme une nef sur un rivage obscur. Il se pencha ; il eût aimé la voir toute, ensoleillée, sans mystère, obombrée seulement au milieu de son corps, ce vers quoi sa main glissait, lente et dévotieuse.
    Il était tout endurci, tout frémissant, tout hérissé d’amour, et se demanda quel cœur battait dans sa paume : le sien ou celui de la jouvencelle ? Elle avait clos ses paupières, mais sans doute l’épiait-elle, parfois, entre ses cils tremblants.
    – Mélusine…
    – Mais je n’ai point d’écailles où s’égare ta main.
    Abandonnée dans le secret de cette alcôve agreste, elle s’éveillait au désir. Elle le voulait, à la fois amollie et tendue. Sous la jonchée de sa coiffure blonde, perlée de gouttes d’ombre, sa tête remuait, ses lèvres se tendaient, assoiffées, succulentes. Dans ses prunelles piquetées d’étincelles passaient l’enchantement, la ferveur et l’ardeur. Elle se resserrait sous ses doigts, onctueuse et frissonnante, il se dilatait, repoussant une échéance dont l’approche l’apeurait. Il fallait qu’il prît son temps.
    Ils roulèrent, écrasant les herbes, insensibles aux échardes dont certaines se défendaient. La nuit glissait sur leurs corps scellés et descellés. Sa grisaille se combinait aux griseries de l’un, de l’autre, s’insinuait entre leurs bras, leurs aisselles, leurs cuisses. Ils s’y vautraient, se confondaient avec elle et l’odeur de leurs moiteurs se mêlait aux capiteuses exhalaisons de ce lambeau de prairie livré comme eux à la nature.
    Les gestes se retrouvèrent, les cheminements recommencèrent ; les lèvres d’homme entreprirent des errances légères ou appuyées, lentes ou vivaces, hésitantes, parfois, insinuantes, perspicaces. Luciane ne soufflait mot. Il entendait parfois sa bouche se déclore, aspirer un peu d’air, et quand il revenait à son

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