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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Tiercelet.
    – Oui.
    Afin de n’en point dire davantage, frère Isambert se laissa choir dans un faldesteuil, pria Guillemette de lui préparer un hanap de vin chaud, poussa un long soupir et se frotta les mains tout en allongeant ses jambes chargées de boue vers l’âtre flamboyant.
    – Je te dirai plus tard, Ogier, comment et pourquoi je suis allé là-bas. De Calahorra, j’ai vivement été tenté d’aller prier à Compostelle… Je sentais la nécessité de me purifier… Vous savez quel rayonnement les restes de l’apôtre exercent sur le monde. Je les voulais adorer dans leur fierté mais mes frères m’ont refusé ce bonheur. Nous devions nous hâter de sortir d’Espagne.
    – Pourquoi ? demanda Thierry.
    – Je l’ignore. Quelque grand dessein du Mauvais… Quelque mandement aux Navarrais de Normandie… Nous avons gagné Olite 140 où mes deux compères ont été reçus par messire Charles. Je ne sais ce qu’ils se sont dit car je n’ai été admis à aucun entretien avec ce monarque plein d’exécration envers feu le roi Jean et son fils Charles.
    – Dommage ! dit Ogier d’Argouges.
    – Nous sommes allés à Pampelune… derrière messire Charles et ses hommes d’armes. Là encore, je n’ai rien pu apprendre de ce qui s’apprêtait…
    – Croyez-vous, dit Ermeline, qu’une autre guerre se prépare ?
    Le clerc parut enchanté par la voix et le visage de cette femme qui berçait son enfant sur son sein, toute proche de Thierry, lequel souriait à Amaury comme il eût souri à son fils.
    – La sainte famille… murmura Isambert.
    Puis avec une sorte de repentir pour l’énormité qu’il avait dite :
    – De Pampelune, nous sommes allés à Bayonne. Nous nous y sommes séparés. J’ai dû faire un immense détour par Pau, Tarbes, Toulouse pour éviter les Goddons. Non loin de Toulouse, à Montastruc, j’ai été agressé par deux malandrins. Ils m’ont robé ma mule.
    – Et vous êtes venu de Toulouse en piétant ?
    – Piétant et mendiant, Ogier. Quelques moutiers m’ont accueilli. Je suis passé par Agen et traversé le Pierregord. J’ai évité Chauvigny : j’y ai trop mal vécu. Angers, Rennes, Fougères, Avranches… Ah ! Je suis fort aise d’être céans… Tout au long de mon cheminement, j’entrevoyais Gratot comme une bonne étoile !… Mais dis-moi, Ogier : quel est cet homme qui n’a rien dit mais qui pèse chacun de mes mots dans sa tête ?
    – Mon gendre.
    Guillemette apporta un hanap. Dans l’âtre, le vin frémissait et fumait au fond d’un chaudron de cuivre.
    – Je ne savais pas mes Pater , dit la servante en soulevant une louchée de boisson, mais vous saviez, mon père, où et comment lamper sans que nul ne vous voie – sauf moi – quelques pintes du meilleur vin de messire Godefroy d’Argouges !
    –  Traîtresse ! grommela le moine. Mais il est loin le temps de ces infractions. J’en répondrai au ciel quand j’y serai !
    – Car vous êtes certain d’y monter droitement ?
    Tiercelet n’avait pu s’empêcher de poser la question qui devait hanter d’autres crânes que le sien. Le moine détourna ses yeux las vers le brèche-dent :
    –  Je n’ai jamais péché autrement qu’à la ligne !
    C’était assurément un mensonge. Luciane en rit de bon cœur, entraînant Adèle, Béatrix et Guillemette dans sa gaieté. Il semblait que cette nouvelle présence allait apporter, entre les murs sombres de Gratot, un peu de clarté – divine ou non – et, aux veillées, beaucoup de songes et d’errances immobiles : l’Espagne, c’était si loin et l’on en disait tant de choses mystérieuses et contradictoires…
    *
    –… et tu sais, mon fils, de quels pouvoirs Richard de Blainville disposait un peu partout dans le royaume et jusques à Chauvigny !
    – Hélas !
    – Tu peux le dire… Je m’y morfondais quand nous nous sommes revus.
    – Pourtant, vous respiriez le bon air, la bonne chère arrosée copieusement d’un vin qui vous faisait la face resplendissante. Vous étiez en compagnie d’un clerc pâle et décharné qui semblait vôtre contraire. Il s’appelait…
    – Pierre de la Garnière. C’était un coadjuteur de l’évêque Fort d’Aux 141 et le grand ami de Robert Le Coq.
    –  Il avait une tête d’inquisiteur.
    – Mais bon cœur… Le contraire de Robert le Coq… Ah ! Celui-là… Pendant toutes ces années, à Calahorra, j’ai fait en sorte de l’éviter autant que possible.

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