Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
souvenances ? Cherchant où poser son regard,
    Tristan l’égara sur le fasset 143 de son épouse entrouvert sur la naissance des seins.
    Au lieu d’être là, près de la flambée crépitante qui ne chauffait que l’avers de leurs corps, ils eussent été infiniment mieux sous les draps et la couette après qu’ils auraient laissé au moine le temps de chauffer le lit. Cependant, il eût été malvenu de s’éloigner maintenant. Frère Isambert s’en fût lui-même offensé. Il était le dernier chaînon qui attachait Ogier d’Argouges à son passé. Tout ce qu’il représentait réapparaissait dans l’esprit de son hôte.
    – Je conçois, mon fils, que je ravive des plaies qui peut-être, avant mon retour, te démangeaient certains jours… J’essaierai de te purger l’esprit de ces fantômes…
    Les yeux bas sous l’effet de la contrition, Isambert s’interrompit et se mit à lisser les plis de sa houppelande sur sa poitrine et ses hanches, faisant cliqueter, au bout de sa cordelette de noyaux d’olives, la croix de bois noirci qu’il effleura du bout des doigts comme pour s’assurer qu’elle était toujours présente, moins comme garant de sa religiosité que comme un talisman qui l’avait toujours protégé des atteintes du mal.
    – Vous avez vécu parmi les ennemis du royaume, dit Quesnel afin de rompre le silence. La vie nous emporte. Dieu nous emmène où il veut. Nous subissons Sa volonté… Moi, j’ai cru en Charles de Navarre. Je me suis dit que ses droits à la couronne de France étaient justifiés. Mais sa méchanceté m’a déplu : je m’en suis écarté… Si sa mère avait été un homme, il serait maintenant roi de France.
    Tiercelet lâcha ses mailles :
    – Si mon cul était une trompette, on pourrait ouïr le son de mes pensées envers le Navarrais traître à la Jacquerie.
    Nul ne rit, pas même les soudoyers qui venaient de reculer leur banc pour céder le passage à Guillemette tout en la priant de laisser leurs gobelets et le pichet de vin sur le plateau.
    –  Je n’ai guère confiance en Charles le Cinquième, dit Isambert. J’étais là quand il a trouvé refuge à Chauvigny alors que la bataille, à Poitiers, n’était ni gagnée ni perdue. Il était pâle, dépiteux d’être ce qu’il était. Oui, j’étais au château de l’évêque, absent, avec Pierre de la Garnière… Nous avons vu le dauphin, essoufflé de frayeur, marcher vers une chaire, s’y asseoir et se relever promptement : il venait de s’apercevoir qu’il avait souillé ses braies !
    Le clerc joignit par les paumes ses petites mains potelées.
    – Une âme trouble dans un corps malade. Il est capable d’autant de bassesse que le Mauvais. Il a comploté jadis contre son père. En 57, après avoir promis à Navarre la restitution de ses domaines, il a incité souterrainement les châtelains normands à la résistance…
    – C’est vrai, dit Ogier d’Argouges.
    – Sans oublier, reprit Isambert, le doute qui subsiste au sujet de sa répugnance à faire évader son beau-frère de sa prison d’Arleux. Il est visseux 144 comme tous les Valois et je me demande si ses vertus ne sont point des vices et inversement.
    – Peut-être, dit Paindorge, si nous pouvions le voir au lit avec son épouse, en saurions-nous davantage.
    Béatrix et Adèle se récrièrent et Paindorge insista :
    – Je ne vois que la guerre et l’amour pour juger un homme.
    Luciane se pencha. Tristan reçut son souffle sur son oreille :
    – Est-ce ton opinion ?
    – Pour juger un homme, oui. Mais un roi ?… Et un roi égrotant ?… Quand je voyais sa grosse main à ce qu’on dit pleine de pus, je ne pouvais que l’imaginer glissant sur le corps de son épouse… Pouah !
    Quesnel se leva. Les soudoyers l’imitèrent, traînant les pieds et observant Béatrix qui s’en allait, onduleuse, à pas de feutre. Tristan se demanda si Paindorge l’avait vraiment conquise. En tout cas, elle semblait exciter la convoitise des frères Lemosquet et, plus encore, celle de Lebaudy.
    – Ils en ont tous envie, murmura Luciane.
    – Eh oui, et c’est ce qui m’effraie.
    – Connais-tu un remède à leur tourment ?
    – Hélas ! oui, dit Tristan, morose. La guerre.
    *
    Le froid n’en démordait pas. La boue changée en pierre et l’eau de la douve devenue glace reçurent un nouveau fardeau de neige. Ce froid désespérant parut avoir gelé la langue d’Isambert, sauf aux repas qu’il prenait de bon

Weitere Kostenlose Bücher