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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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C’est une sorte de… Satan (491)  !
    Guillemette, seule, desservait. Les soudoyers, réunis à une extrémité de la table, écoutaient, échangeaient quelques mots à voix basse et se versaient parfois quelques gorgées de vin. Comme à chaque veillée, Ogier d’Argouges s’était campé, telle une figure de pierre, près d’un piédroit de la cheminée. Adèle de Champsecret s’était comme repliée à ses pieds. Assise sur une escabelle, son enfant dans les bras, Ermeline regardait, ainsi que Thierry, la danse des flammes. Paindorge et Béatrix, de part et d’autre du plateau, n’osaient pousser le gros chandelier à six branches qui leur empêchait la vue. Pinces plates en mains, Tiercelet ajustait les anneaux d’un camail destiné à Lebaudy sous l’œil oblique et envieux de Quesnel. C’eût été une soirée ordinaire sans la présence d’un vieux clerc à l’inaltérable faconde et qui n’embellissait aucun de ses propos de la moindre enluminure comme de la moindre référence à Dieu.
    –  Lorsque Robert Le Coq a compris que sa vie serait mise en péril s’il demeurait à Paris… et en France, il est passé par Chauvigny où il se connaissait moult amis. Je ne l’avais jamais vu et ne savais pas grand chose des affaires du royaume. Pierre de la Garnière me l’a présenté en même temps qu’il m’enjoignait de me joindre aux hommes qui le conduiraient hors de France, parmi lesquels je reconnus Guichard d’Oyré, devenu Guichard d’Angle (492) …
    –  Un malandrin ! coupa Ogier d’Argouges. Il ne m’étonne pas qu’il ait aidé Le Coq ! Je lui dois, à Chauvigny, une grande part de mes peines.
    Tristan, son épouse assise sur ses genoux, regardait alternativement frère Isambert, vêtu d’une houppelande fourrée de renard – présent d’Ermeline à l’instigation de Thierry -, et Ogier d’Argouges qui semblait soudain triboulé au seul nom de Chauvigny. C’était à l’entour du champ clos de cette cité, lors d’un grand pardon d’armes, qu’il avait connu Blandine, la mère de Luciane. Au dire de celle-ci, informée par Guillemette, ce mariage avait été un échec. C’était aussi à Chauvigny que le chevalier était tombé au pouvoir de Richard de Blainville et enfermé dans un souterrain du château d’Angle-sur-l’Anglin. Il s’en était enfui grâce à deux hommes : Godefroy d’Harcourt qui lui avait remis un crucifix « hypocrite » – un poignard dont la lame avait le pied de la croix pour fourreau – appartenant à Isambert, et Hugh Calveley, captif, lui aussi, sous l’infecte surveillance de Guichard d’Oyré, gardien du château d’Angle.
    – Ce Guichard était à Poitiers dans l’ost du roi de France, crut bon de préciser Tristan.
    – Certes, dit Ogier d’Argouges. Mais déjà, lorsque j’étais à Chauvigny, voilà désormais… dix-huit ans, ce renié 142 avait choisi l’Angleterre.
    –  Eh bien, il est ouvertement le féal d’Édouard III et il vit tantôt sur la Grande Ile, tantôt en Aquitaine.
    – Que Dieu le justicie ! Qu’il crève lentement !
    La fureur d’Ogier d’Argouges fit tressaillir sa fille.
    Tristan se trouva pénétré de ce frisson bref cependant qu’un sourire douloureux signifiait peut-être : « Cette fureur me plaît ; elle signifie que mon père est solide. » Auprès d’un Lambert marqué par l’âge – soixante-dix ans, peut-être davantage – et les intempéries de la vie, le seigneur de Gratot était effectivement splendide et comme plein de ressources inemployées. Il avait dû souffrir du fait de ce Guichard, mais jamais, sans doute, il ne pourrait assouvir sa vengeance.
    Isambert parut rassembler ses pensées tout en considérant Luciane qui, pour lui, ressemblait tellement à une autre :
    – À quoi bon, Ogier, enfourcher ton cheval de bataille ! Laisse-moi achever mon propos.
    – Soit… Ne m’en veuillez point. Il y a toujours des mots, des noms, des remembrances qui embrasent mon sang.
    Tristan vit se serrer les mâchoires du chevalier alors que ses yeux, comme désespérément ouverts, se détournaient vers l’âtre auquel sa fureur parut se communiquer : les flammes en devinrent hautes et grondantes, pareilles à une immense pieuvre rouge.
    – Je n’aime guère le voir ainsi.
    Quelque justifiée qu’elle eût été, la forcennerie soudaine de son père semblait avoir angoissé Luciane. Elle avait clos ses paupières. Sur des larmes ? Sur ses propres

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