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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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monde est vaste, Castelreng ! C’est la Normandie qui est petite. En Bretagne, qui est grande, nous ne nous serions point vus !
    Tristan sourit. Guesclin ! L’escarmoucheur qui l’avait contraint à affronter les Navarrais et les Anglais de Jean Jouel au Pas-du-Beuil. L’homme qu’il avait côtoyé à Cocherel avant de batailler contre le captal de Buch et les Navarrais. Sous des vêtements de manant plutôt sales, un corps trapu sans une ombre de graisse : de beaux muscles au service d’une tête laide et d’une volonté souvent plus laide encore. Seules les heuses de cuir noir brillaient au soleil.
    « Il prend soin de ses pieds plutôt que de son âme ! »
    Comme lors de leurs deux premières rencontres, Tristan avait l’impression de paroler avec un dogue dont la face courte, mafflue, exprimait une férocité latente dont il pourrait un jour éprouver les méfaits.
    – Oh ! Tu es là !… Le vieux, toi, je te reconnais bien qu’il y ait longtemps qu’eut lieu notre rencontre.
    – Nos rencontres… Mais elles étaient de celles qu’on ne saurait oublier.
    Guesclin se » mit à tapoter son épée. Il ne devait jamais s’en séparer, sauf pour dormir et chevaucher sa femme – encore devait-elle reposer à portée de sa main.
    – Tu as vieilli, compère !
    – Vieux si tu… vieux, concéda Ogier d’Argouges. Je suis né il y a trente-huit ans. Or, toi, depuis quelques années, tu as franchi la quarantaine… Tu es mon ains-né de sept ou huit ans 165 . Tous mes vieux de longue vie !
    C’était un coup de caveçon. Le Breton en accusa la brûlure.
    – Hâtons-nous, dit Olivier de Mauny. Tu perds ton temps, cousin !
    Tête ronde, gluante de sueur, il volait au secours de son parent qu’il sentait en difficulté. Quant à Orriz, face de furet, si nueux comme un aspic, il glissait de son cheval et entrait dans l’atelier de Ledentu d’où Thierry et Quesnel sortaient.
    – Tu t’appelles Orgouze ou quelque chose comme…
    – Argouges.
    – On s’est connus en 47 à Chauvigny. J’ai bonne mémoire, hein ?
    –  Connus ? Dis plutôt que nous avons couru des lances et que je t’ai vaincu. J’ai bonne mémoire aussi.
    Après le caveçon, l’étrivière.
    – Tu m’as dit : on se reverra. C’était bien une prophétie. Je puis, si tu y tiens, t’accorder ta revanche.
    – Tout doux, compère !… Je ne suis point en état.
    Guesclin faisait soudain la chattemite mais son regard froid et glauque démentait ses façons et ses rires.
    –  Ma revanche ?… Je la prendrai autrement quand le jour en sera venu. Et ce ne sera pas, crois-moi, une riole 166  !
    Tristan songea que quelles que fussent les raisons du mépris qu’il vouait au Breton, son beau-père avait mésestimé un ressentiment dû à une défaite dont Guesclin n’avait oublié ni les circonstances ni la vergogne qu’il en avait éprouvée. Le rochet 167 de son émule 168 l’avait frappé d’une façon terrible. Il en ressentait toujours la douleur. Son regard se posa sur Thierry.
    – Tu étais aussi à Cocherel avec le captal de Buch !
    – Contre ma volonté.
    – On dit ça !
    Il semblait que, sauf les siens, le Breton eût le courage et l’énergie en aversion.
    – Mais je ne reviens jamais sur ce que je décide lors de mes accès de magnanimité !
    – Il y a du saint en toi ! dit Thierry avec le sourire.
    Guesclin leva les yeux :
    –  Ah ! Voilà l’écuyer.
    Paindorge s’inclina. Son respect appuyé sentait la moquerie. Guesclin n’en fut point dupe et, les mains sur les hanches :
    – Quelle famille !… Et ce jeunet, qui est-il ?
    Pour que la voix de son épouse ne trahît pas son sexe, Tristan prit les devants :
    – Mon second écuyer.
    Fuyant le regard du Breton, Luciane marcha jusqu’aux chevaux et feignit d’ajuster les émouchettes de Marchegai pour préserver ses yeux des mouches agaçantes. Guesclin siffla, puis :
    – Ton écuyer a un potron qui aurait fait pâlir de désir messire Charles ! Si !… Si ! Je l’ai fort bien connu… sauf dans un lit !
    Hautain et se croyant taillé sur le patron de Roland ou d’Arthur, cet homme, d’emblée, avait hérissé Luciane : elle continuait à lui montrer une échine dont il ne considérait que la partie charnue comme l’eût fait d’un écuyer feu Charles de Blois entre deux messes ou deux macérations.
    Orriz sortit de l’atelier :
    – Bertrand, les lames sont prêtes. J’ai remis à Ledentu les

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