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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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un moucheron venait de s’y poser.
    – Entre les uns et les autres, dit-il, je ne vois qu’une différence : dans la guerre, le Juif est franc, loyal, courageux alors que le More est outrecuidant, hypocrite, et couard. Et ce dont j’ai envie, voyez-vous, c’est que l’Angleterre, la France, l’Aragon et même la Navarre, et au-delà tous les pays chrétiens s’unissent pour occire ce tyran… Mais c’est busner 179 que de souhaiter cette alliance.
    – Hélas ! dit Ogier d’Argouges. Mais que la Normandie me semble belle, malgré ses navrures.
    *
    Midi. Au retour de Coutances où il était allé quérir une sage-femme, Thierry se hâta vers les hommes occupés à fourcher du foin devant l’étable.
    – J’ai une nouvelle à vous apprendre.
    – Laquelle ? Bonne ou mauvaise ? demanda Ogier d’Argouges.
    –  C’est selon… Vous savez que le captal de Buch, après Cocherel, avait fait hommage au roi de France.
    – Certes, dit Tristan.
    Thierry laissa couler un moment de silence, puis :
    – Il vient de rompre l’hommage et de quitter les terres qu’il avait reçues du roi Charles 180 . On lui prête l’intention de retrouver Édouard de Woodstock à Bordeaux… où les rejoindrait Charles de Navarre… Ils sont résolus à soutenir le roi Pèdre si la France aide le Trastamare dans sa guerre contre lui.
    – Comment sais-tu cela ? demanda Ogier d’Argouges.
    – J’ai rencontré le père Béranger, cette espèce de chevalier en robe de bure. Il est au fait de bien des événements… Il paraît que le captal doit se rendre à Avranches en attendant qu’on l’appelle.
    Tristan se détourna vers Luciane qui revenait sans doute de la chambre d’Ermeline.
    – Comment va-t-elle ?
    – Bien. Cette dame Colette me semble bonne… Comment l’as-tu amenée, mon oncle ?
    – Vois sa mule près du montoir. Sais-tu que pour se jucher dessus comme un homme, elle fauconne 181  ?
    – Elle est jeune.
    – Qui ? La mule ?
    Tristan craignit que Luciane ne devînt acerbe sans raison. Lors de son arrivée, il avait peut-être un peu trop longtemps observé la dame accoucheuse sans se douter que Luciane pouvait l’épier de la chambre d’Ermeline.
    – Elle est moins jeune que toi, dit-il. Et, de plus, je crois qu’elle est mariée.
    Avait-il ainsi rassuré son épouse ?
    –  J’ai peur, dit-elle. Peur que si tu repars ostoier 182 , tu m’oublies au profit d’une autre.
    Elle avait donc, elle aussi, le pressentiment d’une séparation prochaine.
    – Deviens-tu folle ? demanda Ogier d’Argouges en plantant sa fourche violemment dans un tas d’herbes, comme s’il s’était agi d’un ennemi.
    Tristan prit son épouse par l’épaule et l’entraîna. Comme très souvent, ils allèrent s’esseuler au milieu de la jetée. Assise sur le parapet, Luciane jeta des gravillons dans la douve.
    – Père a raison. Je deviens folle… parce que je t’aime.
    Tristan se contenta de hocher la tête. Il n’y avait pas qu’elle qui fût en guerre avec elle-même. Il n’y avait pas qu’elle dont l’esprit était une sorte de champ de bataille où s’affrontaient la raison et la crainte d’une inflexible fatalité. Ils subissaient différemment la même intuition que quelque chose d’immérité allait leur advenir.
    – Tu sembles soucieux…
    Tristan ne nia pas qu’il l’était. La malaisance née de sa rencontre avec Guesclin subsistait.
    – Cet homme, m’amie, n’aime ni ton père ni Thierry ni moi-même. Il a le roi dans sa manche.
    – Le roi t’aime bien.
    – Il m’est advenu d’en douter comme j’ai douté de son père. Ils m’ont tous deux confié des tâches si périlleuses que je me suis demandé, parfois, s’ils ne voulaient pas se défaire de moi.
    – Pourquoi ?
    – Je suis un des rares témoins de la sottise du roi Jean à Poitiers. Je suis aussi parmi ceux qui sauvèrent le dauphin Charles dans la mêlée et jugèrent de sa couardise. Car si j’ai dû assurer sa protection, c’est lui qui s’est enfui. La sauvegarde de la couronne ne fut pour rien dans cette course éperdue vers Chauvigny !… J’étais une gêne pour le père ; je le suis davantage encore pour le fils. Tant qu’il était dauphin, cela m’importait guère, maintenant qu’il est roi, il me tient en lisières. Un roi sans courage, c’est comme un taureau sans cornes, un fourreau sans épée…
    Luciane sauta à terre, essuya ses mains sur le devant de sa robe grise que

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