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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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semblait tissée de fils d’or. Il l’ouvrit pour en extraire deux parchemins que Sacquenville saisit dans ses gantelets et dont il déroula le premier en précisant qu’il le concernait :
    –  Charles, par la grâce de Dieu roi de France à Yvain de Sacquenville, salut. Tristan de Castelreng demourant présentement au lieu dit Gratot en Cotentin, chez son beau-père Ogier d’Argouges, nous vous man dons d’aller quérir hastivement ces onurables chevaliers afin…
    Tristan prit le second parchemin – « du francin 184  » songea-t-il quand il l’eut déroulé -, et son regard effleura l’écriture. Il lut, cependant, pour lui seul :
    –  Nous envoions par devers vous nostre cher et foial Yvain de Sacquenville pour vous monstrer notre entencion et volonté en droit d’aucunes busoignes dont nous lui avons chargé, a qi donez pleine foi et crédence en celle qu’il vous dira de par nous. Donné sous notre privé seal à Paris, le dimanche 7 de septembre l’an de notre règne…
    Tandis qu’il relevait les yeux, Tristan vit l’expression désolée de Sacquenville.
    – J’ai reçu mandement de vous emmener avec moi.
    – Êtes-vous venu de Paris pour nous seuls ?
    – Non. Nous sommes allés en d’autres châtelets pour exécuter d’autres volontés de sire Charles. Nous sommes maintenant sur la voie du retour… Vous avez déplu au Breton. Comme vous, j’ai la conviction que c’est un fredain 185 . Il a embobeliné le roi… Pour moi, il n’est pas meilleur que d’autres : on ne compte plus les fois où les Goddons l’ont fait prisonnier.
    – C’est vrai, dit Ogier d’Argouges. Il gagne une bataille, il perd aussitôt l’autre. Le roi paye ses rançons plus vélocement, sans doute, que les joyaux destinés à son épouse. Je ne suis point son féal. Depuis la mort du seigneur de Marigny auquel les Argouges avaient fait aveu, je ne dois l’hommage qu’à l’évêque de Coutances. Le comte de Mortain lui-même ne peut exiger de moi quoi que ce soit : le fief de Gratot ne relève point de lui… Je me considère comme un tout petit vavasseur 186 … et si un jour on taille mon gisant, je préfère avoir un chien sous mes pieds plutôt qu’un lion !… Suis-je clair ?
    Sacquenville acquiesça et, tendant au trompeor le parchemin qui lui avait été destiné :
    – Je conçois votre courroux à tous deux. Mais les exigences du roi sont formelles et… euh : définitives… Vous ne pouvez-vous y soustraire sous peine de voir vos vies, vos biens, vos parents menacés. Songez-y !
    – Et si je partais seul ?
    Sacquenville remua négativement la tête :
    – Ce serait, messire Argouges, un sacrifice éminent et digne d’éloges, mais Guesclin vous veut tous deux, et quelques gens de votre mesnie, si possible.
    Quesnel se sentit concerné :
    – Moi, messires, j’accepte d’aller en Espagne.
    Il se voyait déjà meurtrissant du More et du Juif.
    – Holà ! Culvert, tu jubiles ! s’exclama Luciane en crachant de dégoût. Mais qui te dit que tu iras ?
    Elle s’était approchée sans que nul n’y prît garde. Il semblait qu’elle avait attendu de loin le moment d’intervenir et qu’il était conforme à ses conjectures. Maintenant seuls ses cils bou geaient dans sa personne. Immobile et résolue, elle incarnait pourtant l’angoisse la plus dure.
    –  Ne pourrais-tu rester ? Cette guerre d’Espagne ne te concerne en rien pas plus qu’elle ne concerne Père !
    Tristan souleva des épaules pesantes. Plus lourdes et contraignantes que s’il les avait garnies de fer en prévision d’un combat. Il n’osa regarder sa femme dans les yeux et conclut que l’ascendant qu’elle exerçait sur lui avait encore pris de l’ampleur.
    – Tiens, dit-il en tendant la sommation du roi. Tu sais lire. Cela s’appelle une intimation, un mandement, voire une mise en demeure bien qu’on veuille m’exclure de la nôtre…
    Il eût voulu ajouter en riant : « ou plutôt de celle de ton père », mais ces mots-là, englués d’amertume, ne purent approcher ses lèvres. Et tandis que Luciane lisait avec une rage accrue, il s’enfonça dans sa déception et sa fureur.
    – Vous êtes, Père et toi, des objets de vengeance.
    Serrée dans une robe sinople bordée de blanc à l’encolure et à l’extrémité des manches, Luciane respirait malaisément tout en tenant à bout de bras, comme une chose laide, le parchemin dont le petit sceau pendillait comme une crotte

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