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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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on se sentait las. Parfois, Isambert prononçait quelques mots : une espèce de chapelet sonore qu’il égrenait surtout pour le maître des lieux et les soudoyers qui l’interrogeaient sur l’Espagne. Tristan l’écoutait sans trop d’intérêt : l’Espagne, c’était loin et c’était pain bénit que Guesclin, pour s’y rendre, dût bientôt abandonner la Normandie.
    – On est bien, murmurait-il parfois.
    Il avait la main de Luciane dans la sienne ; jamais il n’épuiserait ce bonheur de sentir ses doigts fins et nerveux remuer dans les siens tandis que sa tête s’appesantissait sur son épaule et que de longs fils blonds échappés à sa tresse titillaient sa joue et ses lèvres.
    – Si j’avais ce Pedro devant moi, dit Quesnel, et que je m’en sois rendu vainqueur, je l’enfermerais vivant dans le chercus de dame Blanche !
    – Dieu la vengera, dit Lebaudy. Il a dû haïr notre dame parce qu’elle était de France.
    Isambert se permit un rire mesuré :
    – Haïr est un moindre verbe, mon fils. Si Pèdre a honni sans limites une dame, ce fut sans aucun doute la maîtresse de son père, Éléonore de Guzman qui était Juive.
    – Ah ! S’exclama Quesnel.
    – Aussi, quand Alphonse mourut et que la vraie reine, Marie de Portugal, devint redoutable à sa rivale, la concubine, ses neuf fils et sa fille unique se réfugièrent à Medina-Sidonia où notre Blanche de Bourbon fut occise… Elle attira avec eux les deux frères mains-nés de don Pèdre, enfants, comme le nouveau roi, de Marie. Elle était persuadée que c’était un sûr moyen de se procurer de grands établissements, mais son dessein, évidemment, était d’appuyer ses propres intérêts et ceux de ses enfants, de donner quelque couleur à son évasion et de faire un jour des deux princes des otages qui répondraient de sa sûreté.
    – Et que se passa-t-il ? demanda Ermeline.
    Elle aimait les récits faits de chair et de sang, de mort et de volupté. Thierry, d’un froncement des sourcils, l’adjura de s’en montrer moins friande.
    – Le roi fit suivre la maîtresse de son père. Elle fut arrêtée à Séville, emprisonnée à Talavera et un homme à tout faire de la Maison du roi la fit mourir.
    – Comment ? dit Béatrix.
    « Ces femmes ! » songea Tristan. « Elles aiment qu’on leur donne quelques pincées d’effroi. Celle-ci jouirait, c’est certain, si notre chapelain lui disait qu’elle fut violée avant son trépas. »
    –  Je crois qu’on l’étouffa, dit Isambert. Ses enfants apeurés prirent la fuite et warrouillèrent dans la Castille avant de se réfugier à la Cour du roi de Portugal qui s’empressa de révéler leur présence à don Pèdre, lequel promit de leur pardonner – je me demande bien quoi ! – et les fit revenir en Castille. Maria de Padilla, la nouvelle Circé, allait changer, gangrener, envenimer le caractère du roi !
    –  Eh bien, ce Pèdre est un faible, dit Tiercelet. Un homme ne doit succomber aux désirs d’une femme que s’ils sont… charnels. Rien de plus.
    Les dames murmurèrent, excepté Luciane, qui se mit à sourire à la lune.
    – Pèdre contraignit sa mère à quitter la Castille. Nouveau Néron, il fit égorger deux de ses frères bâtards : Juan, dix-neuf ans, et Pedro, quatorze. Ensuite, il offrit aux lions la petite Leonor, fille du Trastamare.
    On entendit au loin le cri d’une hulotte. Les dames frissonnèrent. Elles voyaient les fauves. Elles entendaient leurs grognements tandis qu’ils se repaissaient de chair vierge. Béatrix s’éloigna de quelques pas, vers l’ombre. Elle y vomit et revint le regard éploré. Luciane avait frémi. Elle dit : « Il mérite… » Puis elle ferma les yeux, dolente et consternée.
    – Je conçois, dit dame Adèle, que l’on fasse la guerre à ce monstre.
    – Ah ! oui, dit Guillemette. Un tel homme, c’est pas un homme !
    – Je le voudrais voir crucifié ! dit Ermeline.
    – Non ! Non ! protesta Isambert. La crucifixion est un châtiment sacré !
    Il se signa promptement et reprit :
    – Ayant reçu la visite du roi Benmarine, qu’on surnommait Mahomet-le-Roux, Pèdre viola les lois de l’hospitalité en le transperçant de sa main. Il roba tout ce qui se pouvait trouver de précieux dans les églises et dépouilla ses ennemis pour enrichir ses ministres. Puis, derechef, le voilà repris par la male faim de cruauté jusqu’à faire étouffer sa femme, la reine, dans le château

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