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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Charles apprécie mon dévouement, mais je ne suis pour lui qu’un hobereau de la Langue d’Oc… Il ignore que ma langue natale est composée de moult mots espagnols… et que je suis accoutumé à ces printemps et ces étés brûlants comme des fournaises…
    – Guesclin qui te connaît…
    Tristan se refusa d’entendre la suite :
    – Il ne sait rien de moi.
    – Père a ce Breton en détestation.
    – Tu n’apprendras pas pourquoi. Il te refusera une vérité qu’il veut conserver dans son cœur… Or, il n’est pas seul à savoir : Thierry peut te fournir la raison de cette haine.
    Ils venaient d’entrer dans l’écurie. De grandes clartés blafardes vibraient encore dans les ténèbres où les chevaux restés à Gratot mangeaient de bon appétit un fourrage récemment glissé dans leur râtelier.
    – Voilà Thierry, dit Tristan. Il est seul.
    Champartel marchait devant Taillefer dont il portait la selle sur son épaule. Il semblait soucieux, lui aussi. Laissant Marchegai devant sa parclose, Luciane rejoignit son oncle :
    – Dis-moi, s’il te plaît !… Je veux connaître la raison pour laquelle Père déteste ce Breton. Nous sommes seuls, Tristan et moi…
    Un soupir. Les prunelles pensives s’illuminèrent. Une sorte de fureur les anima qui s’apaisa lorsque la bouche de Luciane eût touché une joue râpeuse.
    – Quelques mots suffiront, mon bon tayon 176  !
    Thierry acquiesça. Tristan se dit que si certaines douleurs parvenaient à se dissoudre dans les eaux profondes de la vie, celle de Champartel surnageait, pareille à celle de son beau-frère.
    – Adelis, dit-il dans un souffle. Ne lui en parlez jamais !
    Il y avait de l’âpreté dans ce murmure et cette façon de le prolonger par un grognement. Une pudeur bridait Champartel à l’extrême. Il la surmonta :
    – Nous étions allés à Chauvigny moins pour y jouter que pour y déjouer un complot dont Jean de Montfort nous avait entretenus. C’était une façon de confondre Richard de Blainville 177 le marmouset du roi Philippe. Il y avait ton père, Raymond – le défunt mari de Guillemette -, moi et Adelis.
    – Père était fiancé ?
    – Non. Une amie… Une chaste amitié nous unissait tous… D’ailleurs, c’était avant qu’il rencontre ta mère, justement à Chauvigny.
    – D’où venait cette femme ?
    – De Rechignac.
    C’était sûrement un mensonge car Thierry avait hésité avant de fournir cette réponse brève et comme définitive.
    – Nous nous sommes séparés pour épier des suspects. Quand ton père a retrouvé Adelis sur une berge de la Vienne, elle était nue, égorgée… violée. Guesclin et ses Bretons n’étaient pas loin. Ton père fut certain que c’étaient eux. Et je dois ajouter : moi aussi.
    Thierry laissa tomber sa selle sur le sol. S’il se déchargeait de ce fardeau de cuir et de fer, l’autre fardeau, celui du souvenir, demeurait dans sa tête, pesant et indéposable.
    – Ne lui dis pas que tu sais.
    – Crains-tu cet homme, mon oncle ?
    Luciane, immobile et pâle, souhaitait qu’on la rassurât. Sa bouche entre-close semblait prête à boire les mots que Thierry allait prononcer.
    – Face à face, je le craindrais, mais je redoute davantage encore ses cordelles et ses cautelles (502) .
    Un pas et un sabotement. C’était Ogier d’Argouges devançant Malaquin.
    – Vous en parolez encore !
    – Une dernière fois, dit Thierry, rassurant.
    – C’est un pétau, un bidau qui ne demande qu’à être alosé 178 . Nous sommes trop petits, selon lui, pour qu’il commette quelque mauvaiseté à notre égard. Oubliez-le !
    – Souhaitons, dit Thierry, qu’il nous oublie aussi.
    – Ah ! Cessons d’y penser, grommela Tristan, morose et agacé. Sans pourtant être un prophète, je peux vous assurer que, par sa volonté, des fontaines de sang vont couler en Espagne.

V
     
     
     
    Appuyée sur les faîtières du grand logis et touchant à la cheminée, la lune ronde et diaphane semblait écouter ce qui se disait dans la cour. Des chauves-souris voletaient et des moucherons venaient s’enflammer aux chandelles pour tomber sur la table ou dans les écuelles vides. C’était la fin du dimanche 7 septembre ; on avait achevé un souper copieux et il semblait que les ventres de Guillemette et d’Ermeline fussent près d’éclater.
    La nuit teintait de bleu son ombre lente et grise. L’air conservait encore une langueur diurne. On résistait au sommeil et

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