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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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serrait à la taille un cordonnet de cuir.
    – J’aimerais avoir la tête vide, confessa Tristan. Nous ne sommes pas en guerre, pour une fois, mais cette trêve nous impose une sorte de mésavenance dont j’ignore le remède. Notre amour n’est pas en peine…
    Il se refusa de fouiller plus avant dans ses sentiments. Ils s’aimaient, elle et lui, et cela suffisait. Rien ne devait s’interposer entre eux et cette certitude. Et pourtant… Depuis quelques jours, depuis quelques nuits, surtout, Luciane se montrait différente. Une amoureuse au bien-être de qui son ardeur de mâle était indispensable. Elle se dédoublait : sa sagesse apparente dissimulait, dans les ténèbres, des volontés de volupté qui certes le merveillaient. Mais s’il devait l’abandonner quelques semaines, quelques mois, que ferait-elle ? Vers quelles compensations son corps serait-il emporté sans que son esprit pût les lui interdire ?
    – Tiens, Quesnel corne l’eau, dit-il, allons à table.
    *
    Rien, le 18 septembre, ne laissait prévoir que quelque chose changerait dans les us des gens de Gratot. C’était un jeudi clair, chaleureux, doux à vivre. Après le repas du matin, les soudoyers, Thierry, Ogier d’Argouges, Paindorge et Tiercelet s’étaient réunis, l’arc en main, devant un paillon rond au centre duquel un oiseau découpé dans un morceau de drap éployait ses courtes ailes.
    Alors que Quesnel encochait sa première sagette, un son de trompe retentit et se renouvela.
    – Nous n’attendons personne, dit Ogier d’Argouges. Va voir qui c’est, Lebaudy.
    Le garçon partit en courant et revint de même :
    – Quatre hommes d’armes, messire, dont certainement un chevalier. Faut-il baisser le pont ?
    – Ils sont quatre, nous sommes davantage, et nous avons nos arcs sous la main… Laissons-les entrer.
    Quelque chose se mêlait à la curiosité de Tristan. Une impatience ? Une anxiété ? Il entrevit Luciane penchée à l’étroite fenêtre de leur chambre. Certainement haussée sur la pointe des pieds, elle regardait le lourd tablier s’abaisser. Comme elle semblait pâle !
    Les fers tambourinèrent sur le chêne et les quatre hommes apparurent, droits et fiers au sortir de la porte charretière. Aussitôt, Paindorge toucha Tristan du coude :
    – Sacquenville.
    – Si son cousin doit être mort à présent, il a toujours, semble-t-il, la confiance de Boucicaut.
    – Que veulent-ils ?
    – Que nous veulent-ils ? devrais-tu dire. Toi et moi, semble-t-il, sommes seuls concernés.
    Le premier – Sacquenville – avait mis pied à terre. D’un pas lent et pesant en raison du haubergeon qui l’engonçait, il s’avançait, la main tendue :
    – Castelreng !… J’ai plaisance de vous revoir.
    Le sourire éclairait une figure lasse dont la barbute poudreuse ne laissait apparaître que l’essentiel. Mais cette face réjouie reprit promptement son expression ordinaire : froide et chagrine. La nature avait doté Sacquenville d’une grande force de caractère, et s’il manquait d’esprit, il compensait cette carence par des attitudes hardies, destinées à donner le change. Avoir dans sa famille un cousin acquis aux Navarrais n’avait pas été pour lui une sinécure ; sans l’affection de Boucicaut, sans doute eût-il souffert de la malveillance du roi. Mais de qui, ce jour d’hui, était-il le noncierre 183  ?
    –  J’ai de mauvaises nouvelles pour vous, Castelreng.
    Il n’atermoyait pas. Pour s’accorder le temps de surmonter son inquiétude, Tristan présenta ses compagnons – soudoyers compris – et d’un geste invita Sacquenville à poursuivre, ce qu’il fit d’une voix enjouée afin d’atténuer la dureté des mots :
    – Vous savez, je présume, ce qui se passe en Espagne.
    – Oui.
    – Le roi a décidé de soutenir…
    – Je sais. Il sait aussi. Tous également savent.
    – Moi, j’en sais davantage : Guesclin vous a recommandé au roi lorsque sire Charles lui a demandé de choisir les capitaines qu’il entraînera en Castille. J’en serai. Vous en serez aussi, Castelreng… et vous de même, messire Argouges… Tout manquement serait considéré comme une trahison.
    Tristan et son beau-père échangèrent un regard. Aucun mot ne leur paraissait nécessaire. Ils avaient redouté un orage vengeur ? La foudre les pourfendait.
    Le messager fit signe à son trompeor. Celui-ci portait en sautoir, du côté inverse de son cor, une custode dont l’enguichure

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