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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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garder moi-même.
    Elle exagérait.
    – C’est parce que je t’aime que je refuse.
    – Tu ne pourras vivre sans femme.
    Il eût pu lui répondre qu’il savait qu’il le pouvait, mais elle eût douté de cette assertion. Il la prit dans ses bras et la sentit roide et sur la défensive. Et voilà qu’il se sentait coupable !… Et de quoi ? De devoir s’abandonner aux exigences d’un roi et d’un routier ! Devait-il dire avec une conviction sincère : « Luciane, tu ne pourras vivre sans homme » ? La volupté lui manquerait aussi. De cela, il était sûr. L’ex-vierge tour à tour hardie et réticente s’était transfigurée. Il lui fallait des émois, des pâmoisons, des soupirs. Elle avait pris goût à ces « choses » et nul ne pouvait soupçonner à Gratot à quel point elle en était gourmande. Sauf évidemment lui, son époux. Nonobstant, elle pourrait lui être infidèle si cette guerre durait longtemps. Lui aurait-il donné le dégoût de l’amour qu’il s’en fût allé plus tranquille !
    – Tu es tout pour moi, Luciane. Ce malheur qui m’advient est comme un coup de grâce à l’amour que je te voue… Garde-toi d’empirer cette navrure. Je vais dès maintenant n’avoir qu’une pensée : revenir ; te revenir.
    « Et si ton potron te démange », songea-t-il soudain avec rage, « va prier pour mon retour… et le soir que tes mains se substituent aux miennes ! »
    –  Hâtez-vous, messires ! cria un homme d’armes.
    Sous la barbute ornée d’une plume d’autruche – une bailloque, assurément, tant elle était dégarnie 187 – Tristan reconnut Thibaut de la Rivière, l’homme auprès duquel il avait cheminé vers Reims, après Cocherel. Aucun doute : c’était bien Guesclin l’auteur de cette mauvaiseté puisque son lieutenant accompagnait Sacquenville.
    –  Je hais ces hommes, marmonna Luciane.
    – Et moi donc ! dit Ogier d’Argouges en s’approchant.
    Pâle et enrageant contre leur infortune, il posa sa dextre sur l’épaule de son gendre :
    – Qui prendrons-nous ? Quels chevaux ? Combien de sommiers ?
    Tristan vélocement trouva les trois réponses en une seule :
    – Paindorge sur Tachebrun, vous, sur Malaquin, Lebaudy sur Coursan… Jean Lemosquet sur le cheval arzel 188 que nous avons pris aux Navarrais… Son frère Yvain sur le cheval qu’il a adopté sans notre consentement et qu’il nomme Nestor, peut-être parce que c’est une bête prudente… Je monterai Alcazar… Nous prendrons deux sommiers qui pourront nous servir de rechanges en cas de mort d’un de nos roncins… et Carbonelle qui est vaillante et obéissante.
    – On dirait, à ouïr tes paroles si… promptes, dit Luciane, que tu as pourpensé cela depuis longtemps.
    Nier lui eût peut-être fait plaisir, mais ils avaient entamé leur vie sous le signe de la franchise.
    – C’est vrai, j’y avais pensé, mais…
    Luciane s’éloigna, le dos secoué par des sanglots silencieux. Derechef, Tristan sentit la main de son beau-père se crisper sur son épaule.
    – Il nous faut un cheval de selle. Un Navarrais. Celui que nous avons vu en entrant dans Ganne… Sois courageux : nous reviendrons. J’en suis acertené.
    Sa voix comme assombrie démentait cette conviction. Tristan se hâta pour rejoindre Luciane. Il la vit tomber dans les bras d’Adèle, elle aussi éplorée. Alors, résolument, il obliqua vers l’écurie et s’avisa de Pain dorge qui, à sa venue, se libérait d’une étreinte avec Béatrix :
    – Nous partons. Rassemble les Lebaudy et Lemosquet.
    Quesnel courut à sa rencontre :
    – Et moi, j’espère ?
    Il riait. Avec lui, les Juifs et les Mahomets allaient savoir ce que signifiait le mot chrétien.
    Tristan s’efforça d’ignorer sa présence.
    – Holà ! s’écria de loin Ogier d’Argouges. Ce cheval navarrais, nous l’appellerons Pampelune.

 
     
     
     
     
     
     
TROISIÈME PARTIE
     
     
LES NOUVEAUX CROISÉS

I
     
     
     
    On cheminait lentement. Outre qu’il fallait ménager les chevaux, Guesclin exigeait qu’il en fût ainsi. Il avait envoyé ses hérauts en avant. Il ne s’en souciait plus, affirmant qu’ils étaient, parce que Bretons, les meilleurs des noncierres (504) et que les parleries avec les capitaines des Compagnies demanderaient du temps. À quoi bon interrompre, par une survenue hâtive, des discussions astucieusement engagées à Troyes (505) où avait eu lieu un premier paiement ? Il saurait, lui,

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