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Les foulards rouges

Les foulards rouges

Titel: Les foulards rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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de la poudre et les fragrances
aigres de la peur.
    On s’écartait en se signant pour que la guerre
ne vînt point à Paris.
    Le cavalier et son cheval aux yeux fous
pénétrèrent en la rue Neuve-Saint-Merry et Nissac ralentit l’allure.
    Il avisa une taverne, « Aux Armes de
Saint-Merry », et descendit de cheval.
    Un homme mince et longiligne s’approcha du
comte et se présenta comme le propriétaire.
    Nissac, qui tenait difficilement debout, le
toisa :
    — Toi, tu as été soldat avant que d’être
aubergiste.
    — C’est vrai, monseigneur. Et vous êtes
officier.
    — J’étais à Lens, lieutenant-général de l’artillerie
du prince.
    L’aubergiste le scruta avec incrédulité :
    — Monsieur de Pomonne, comte de Nissac ?
    — C’est moi.
    — Monseigneur, mon petit frère sert en
vos batteries et n’a que votre nom à la bouche. L’honneur que vous me faites…
    Nissac le coupa :
    — Aide-moi, ami, cache mon cheval et
oublie-moi.
    D’une main tremblante, Nissac lui présenta une
bourse mais l’homme, en un geste très doux, repoussa cette offre :
    — Vous semblez en grand péril, et blessé.
Ma maison est la vôtre.
    Nissac l’observa et, ne doutant plus de sa
loyauté, lui sourit :
    — Ma maison est en face, semble-t-il. Soigne
mon cheval.
    L’aubergiste lui prit la bride.
    — Il est plus sacré que le grand Turc !
    Puis, tandis que Nissac traversait la rue en
chancelant, l’aubergiste entraîna le cheval vers l’écurie.
    De l’autre côté de la rue, Nissac frappa de sa
main gantée une porte d’un rouge tirant vers les tons bordeaux.
    La porte s’ouvrit.
    Nissac, regardant la femme qui lui faisait
face, songea : « De toute ma vie, je n’ai vu plus beau spectacle. »
    Elle correspondait à ce qu’il avait toujours
cherché, vainement, en chacune des femmes qu’il avait connues et en fut bouleversé
au point qu’il dut faire effort pour se reprendre.
    Et c’est d’un ton militaire qu’il se présenta :
    — Général-comte Loup de Pomonne, seigneur
de Nissac.
    Elle le regarda, le cœur survolté.
    Elle aima sur l’instant et à tout jamais ce
visage fatigué, un peu amer, le regard sombre sous les paupières légèrement
tombantes, les joues creuses, les lèvres sensuelles, et songea : « Seigneur
de Nissac, c’est donc toi que j’attendais depuis toujours ? »
    Puis, les mots « général », « comte »
et « seigneur » pénétrèrent son esprit, lui permettant de mesurer l’abîme
qui les séparait.
    Et c’est plus fraîchement qu’elle lui répondit :
    — Entrez vite !
    Puis, voyant tout le sang qui ruisselait
depuis la hanche jusqu’à la botte, elle ajouta :
    — Dépêchez-vous donc, général !
    Il fit deux pas dans la pièce et s’effondra.

10
    Le comte de Nissac ouvrit les yeux
vingt-quatre heures plus tard et marqua quelque surprise en détaillant les
lieux où il s’éveillait.
    Des murs tapissés de vert à mi-hauteur puis de
rouge en une heureuse harmonie qui faisait florès depuis le règne de Louis XIII.
    Une petite table, une chaise recouverte de
velours bleu galonné d’or, un tableautin naïf représentant un vieil homme, le
col relevé, qui fuyait un temps sombre chargé d’orage.
    — Il me ressemble ! murmura Nissac
dont l’attention fut attirée par le lit sur lequel il se trouvait couché.
    C’était un lit à baldaquin, un lit de couple
assez monumental qui occupait une bonne partie de la pièce.
    Plusieurs matelas, un moelleux oreiller de
duvet, deux couvertures, un épais couvre-pieds, une courtepointe joliment
piquée…
    Nissac se souvint brusquement d’un visage
entrevu, la chose en vérité la plus douce et la plus lumineuse que ses yeux
fatigués par la violence et la guerre eussent jamais contemplée.
    — Ai-je rêvé ? se demanda-t-il, déjà
fou de déception.
    Il s’assit au bord du lit et tous les
événements de la veille lui revinrent en mémoire : la leçon infligée au
duc de Beaufort et à ses compagnons, le signe amical que lui avait adressé
Mazarin devant toute la Cour qui se pressait aux fenêtres, la blessure, la
poursuite en les rues de Paris, l’aubergiste des « Armes de Saint-Merry »…
et oui, pourtant, aussitôt après, ce merveilleux visage !
    Mais alors, ce lit ?…
    Il demeura perplexe et angoissé.
    Ainsi, la si belle jeune femme ne pouvait être
que Mathilde de Santheuil, la petite fille abandonnée par ses parents et que le
vieux magistrat avait

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