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Les foulards rouges

Les foulards rouges

Titel: Les foulards rouges Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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éveiller aucun si ce n’est l’indifférence
qui seule me satisfait.
    Il ne restait que quelques marches à descendre
mais la jeune femme, bouleversée, ne put se résoudre aux derniers mots de
Nissac sans protester :
    — Quoi, monseigneur, il y a quelque
fausseté à parler ainsi !
    Très surpris, Nissac, qui se tenait d’une main
à la rampe de l’escalier, se retourna à demi :
    — Que voulez-vous dire ?
    Le visage de Mathilde de Santheuil se teinta
de roseur et Nissac songea qu’il est bien peu de spectacles au monde qui
puissent égaler en beauté, en grâce et en émotion celui d’une femme rougissante.
    De son côté, Mathilde comprit que reculer, alors
qu’elle s’était montrée si audacieuse, serait perçu par le comte comme une
petite lâcheté. Or, elle ne se pensait pas lâche et ne voulait point que ce fût
là fausse opinion du comte de Nissac.
    Comme, songeuse, elle tenait depuis quelques
instants les yeux baissés, elle releva la tête et ce visage fier et obstiné
bouleversa une fois encore le comte qui éprouva quelque peine à oublier toute
cette beauté pour concentrer son attention à la fois sur ce dangereux escalier
et sur les mots qu’employait Mathilde de Santheuil :
    — Monseigneur, Joseph m’a parlé de vous
et, avant lui, monsieur le cardinal. Quand on se bat avec courage et
intelligence, quand on montre de la noblesse envers l’ennemi vaincu au point
que chez les Espagnols vous êtes considéré comme l’officier le plus talentueux
et le plus admiré de l’armée de monsieur le prince de Condé, enfin, lorsqu’on
ridiculise le duc de Beaufort si grandement et si drôlement que tout Paris ne
parle que de ce duel, faut-il s’étonner de l’intérêt qu’on suscite ?
    — Madame, Beaufort n’est qu’un dindon
vaniteux, ce qui ramène son châtiment aux dimensions d’une remise en ordre dans
une basse-cour. Quant aux qualités militaires dont vous parlez, et de la guerre
qui est la seule chose que je sache mener avec quelque talent, soyez persuadée
madame, qu’il n’y a point grande gloire à mutiler et tuer son prochain, fût-ce
par amour de son pays. Cela s’appelle le devoir et ne souffre aucun compliment.
    Mathilde de Santheuil ne sut que répondre. Les
paroles du comte sonnaient juste même si, aux yeux de la jeune femme, elles ne
le déparaient point de sa gloire. En cette occurrence, elle ressentait bien la
confusion de son propre esprit mais n’y pouvait aucunement porter remède. Ce
que disait le comte concernant la guerre correspondait à ce qu’elle pensait
profondément, à savoir que l’humanité ne pourrait toujours ainsi s’étriper et
cela rejoignait également l’éducation reçue du vieux conseiller de Santheuil. Toutefois
Mathilde n’était point pur esprit mais femme, grandie sans frères ni sœurs en
la compagnie d’un vieil homme ; aussi cette solitude l’avait portée au
rêve et donné à son imagination une tournure romantique. Si bien que le comte
de Nissac, quoi qu’il dît et quoi qu’elle pensât qui fût pourtant semblable, était
un homme à engendrer le rêve. Le duel, elle se l’était fait raconter dix fois
déjà en des récits différents qui se rejoignaient pourtant toujours sur l’essentiel.
Et pareillement la folle poursuite à travers Paris. Elle avait ri, battu des
mains, laissé couler quelques larmes et fort jalousé les belles dames de la
cour faisant grande ovation au noble héros.
    Et, plus grave encore, plus contradictoire
sans doute, alors qu’elle rejetait la guerre elle imaginait le comte de Nissac
dans la bataille, à côté de ses canons crachant leurs boulets, l’épée à la main
tandis qu’il commandait le feu. Elle rêvait de l’homme à la cape noire, au
chapeau marine rabattu sur les yeux, aux si jolies plumes rouges et blanches, à
cette haute silhouette disparaissant par instants dans la fumée de la canonnade.
    Le comte avait enfin atteint le
rez-de-chaussée et regardait autour de lui avec étonnement.
    Inquiète à l’idée de quelque détail décoratif
qui lui déplût, ou froissât un goût aristocratique qu’elle imaginait des plus
compliqués, elle descendit précipitamment les dernières marches.
    Il contempla la cheminée où brûlaient quelques
bûches sur des chenets et, pendue à la crémaillère, une marmite en laquelle il
n’osa regarder. Sur le côté droit, une courte pelle et des pincettes. À gauche,
le pare-feu et, impeccablement astiqués, marmites de

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